Certains sites évoqués ci-dessous ne sont pas renseignés dans ce site, vous pourrez les retrouver dans le livre « Châteaux oubliés et cités disparues – Sur les routes de l’Orient »
Adilcefaz – Amuda – Anacik – Anasha – Anavarza – Andil – Antioche – Ak – Ayas – Azgit – Babaoglan – Baghras – Bakacak -Belen Keslik – Besni – Bir, Birecik – Bodrum – Bogazpinar – Bostan -Bucak – Burunonu – Calan – Candir, Baberon – Cardak – Cem – Diyarbakir – Evciler – Findikli – Findikpinar – Geben – Gokveglioglu – Gosne – Gulek – Haçtirin – Haruniye – Hasambeyli – Hisar – Hromgla – Hotalan – Isa – Kalasi – Kalebonyu – Karasis – Keysoun – Kis – Korikos – Kuzucubelen – Lampron – Mamur Kale – Mancilik – Maran – Mardin – Meydan – Mitel – Nemrut Dag Yeni Kale – P’arzman – Payas – Pergé – Rapan – Ravanda – Rifatiye – Saimbeyli – Savranda – Silifke – Sinap Candir – Sis – Softa Kale – Tamrut – Tece – Toprakale – Trapesac – Tumlu – Turbessel – Vahga – Yanik – Yeni Koy – Yilan
Juin 2018 – Nouveau voyage, trois semaines, près de 2000 photos pour la trentaine de nouveaux sites que nous avons visités : parfois perchés à plus de 2000 mètres ou bien encerclés par un marché aux bestiaux dont l’odeur ferait pâlir un troupeau de moutons, accompagnés par les gendarmes sous un orage en montagne, plombés par le soleil quand les serpents filent entre tes pattes, sur une colline qui n’est qu’un gruyère de citernes et de silos, en longeant des précipices trop profonds pour le néant, bus plus de 10 thés par jour pour remercier ceux qui nous accompagnent et nous les offrent, roulé 200 km cinq heures de pistes pour une ruine inconnue qui le restera, de l’extase devant un soubassement avec un bloc taillé même renversé « la preuve », parfois seuls devant des hectares de ruines au soleil couchant, un mur est tombé depuis mon premier passage…
Les sites visités en 2018 :
Alafakilar, Amasya, Bayremker, Beyoglu, Bülen, Cem, Elmali, Esenli, Ferhatli, Göreken, Kalederesi, Kaleyüzü, Kalkan, Karaicausagi, Kastamonu, Kemer, Kiziloluk, Kudret, Küstülü, Mansurlu, Mavga, Mennan, Nurefet, Sinop, Suphandere, Tapureli, Tekkadin, Tumil, Uçayakli, Yaka, Yeniyürt
Juin 2017 – Nouveau voyage, 15 jours pour remonter des vallées perdues, sillonner la plaine de Cilicie, traverser les montagnes du Taurus, côtoyer les rivages de la Méditerranée. Encore et toujours des pistes ou des sentiers pour rejoindre des ruines inconnues perchées sur des rochers ou dissimulées au fond d’étroites vallées. Des surprises, des rencontres, des paysages renouvelés qui mettent en scène des ruines millénaires, grecques romaines et médiévales.
Les sites visités en 2017
Adrassus – Alahan – Anamurium – Asirlik – Babilik – Cukhurhisar – Egni – Ermenek – Fenk – Kabaçam – Kanlidivane – Keçi – Kesis – Kibrislar – Lamos – Lamas – Mancinikkale – Milvan – Softa – Yenidemir
Juin 2016 – Nous sommes revenus d’un nouveau voyage, durant 15 jours nous avons sillonné la plaine de Cilicie et les montagnes du Taurus jusqu’au plateau anatolien. Pistes et sentiers pour rejoindre des ruines inconnues perchées sur des rochers ou dissimulées au fond d’étroites vallées. En voici un extrait illustré…
Les sites visités en 2016
Adamkayla – Akbas – Akner – Asirlik – Bossek – Bucak – Cambazli – çatioren – çuruk – Dagli – Dibi – Emirzeli – Gerzile – Hildirli – Koleli – Kosk – Maksutolugu – Merzgit – Olba – Pasli – Sari çisek – Suluyala – Tokmar – Ugurlubag – Unzurcaburç
et des repassages : Findikli – Geben – Saimbeyli – Vahga – Yanik – Korikos – Sis
où certains se dégradent, d’autres reconstruits deviennent inaccessibles.
Mai 2014
Si vous suivez ce site depuis quelques temps vous constatez que des nouveaux articles sont publiés régulièrement. Actuellement, nous recensons plus de 220 châteaux en ruines appartenant au même bassin de culture, essentiellement situés en Europe et au Proche Orient. D’autres articles sont prêts à la diffusion.
Au terme d’un récent voyage en Cilicie, sud est de la Turquie (le 5e), nous avons pénétré un peu plus les fonds des hautes vallées du Taurus. Des rencontres nous ont permis d’ouvrir notre investigation à d’autres sites non répertoriés. Toujours beaucoup de patience sur des routes chaotiques et des chemins parfois exposés. Cette fois, nous n’avons parcouru que 1500 km !
Dans les mois à venir nous publierons sur : Anasha, Bakacak, Belen Keslik, Bostan, Bucak, Burunönü, Evciler, Findikpinar, Gülek, Hisar Asar, Isa, Kalasi, Kalebonyu, Kalegedici, Kuzucubelen, Mitel et Yanik, en voici les illustrations.
Karasis 2013 Turquie (Cilicie)
Publié par R C le décembre 27, 2013
Les turcs eux même émettent des réserves, ce faisant elles ne doivent pas vous empêcher de visiter ce site qui n’a jamais été fouillé. Karasis se mérite, l’expédition pour sa visite force quelques précautions : pas de short, encore moins de marcel, prévoyez plutôt une tenue épaisse, des moufles, un couvre-chef, des lunettes, quelques heures de maquis laissent des traces, pour le ravitaillement emmener de l’eau, de la nourriture, une boussole et une tente, l’abri pour la nuit est toujours réconfortant, surtout à plus de 1000 m au pays du brouillard. Personne ne passera, même pas un berger avec ses chèvres, trop loin, pas d’eau. Rappelez-vous l’histoire du Petit Poucet. Pour visiter l’intégralité du site prévoyez deux journées, l’épais maquis, la déclivité, l’absence de chemin et l’étendue de la citadelle sauront vous occuper. La route s’interrompt à 590 m, la prairie à la cabane est à 700, le col à 880, la citadelle vers l’extrémité Sud à 910, en tout une bonne heure, d’autant qu’il faut laisser des cairns à tire larigot. L’acropole vers la terminaison Nord culmine à 1060, au moins deux kilomètres de maquis dégueulasse séparent les deux extrémités, toujours sans visibilité, et pas de sentiers. Très peu d’informations sont disponibles à propos de Karasis, une construction vers 300 avant JC, pendant la colonisation des Séleucides. Une dynastie fondée par Séleucos, l’un des généraux suivant Alexandre, installée sur la partie orientale du bassin méditerranéen. La position domine toute la plaine sur l’axe Nord-Sud qui traverse le Taurus depuis l’Anatolie vers la Méditerranée. Le site n’est pas inconnu, il existe un panneau de fléchage depuis la route qui s’enfonce dans la montagne en direction de Feke, le seul pendant 18 km, lorsque la piste cesse il faut poursuivre à pied. Au XIXe siècle des archéologues Français sont parvenus à le visiter, au début du XXIe une mission germano-Turque a pratiqué un inventaire, mais toujours sans fouille. Brosses à dents et pinceaux s’abstenir, car soulever ou manipuler des blocs gros comme des voitures (dixit des promeneurs turcs) relève de l’exploit surtout dans un maquis d’épineux dépassant souvent deux mètres. Votre performance n’égalera jamais celle des bâtisseurs qui ont érigé cette citadelle, acropole, il y a plus de 2300 ans. La crête est bordée de falaises sur trois côtés, à l’est, la seule face accessible se donne aux randonneurs aguerris. Une longue muraille court encore sur plusieurs kilomètres cernant toute la sommité, ses blocs cyclopéens ajustés et assemblés sans mortier s’empilent intacts jusqu’aux 10 m originels. Nous n’avons inventorié que la partie Sud, certains l’appellent le château (kale), d’autres évoquent un lieu de culte, reste l’indéniable puissance de cette ligne fortifiée rendue infranchissable par sa structure et par ses barrières naturelles. Les bâtiments les plus emblématiques semblent localisés dans cette portion. Liés ou accolés à la muraille, rescapés des tremblements de terre, le temps ne parvient pas à les user. L’appareil cyclopéen est fait pour durer, les blocs taillés dans un calcaire marbrier si dur que même jetés au sol ils ne soient brisés ou écornés ; comme un jouet d’enfant qu’il suffit de remonter. Un redoutable assemblage, avec des tailles en biais, des rangs inférieurs qui s’imbriquent dans les supérieurs, le parement devient le jeu d’une construction abstraite. Dans les tours et les bâtiments les plateaux sont en bois, dans les murs les logements attendent simplement de nouvelles poutres. Remarquables, l’ampleur et la structure font œuvre, un linteau est orné de la figure symbolique de l’éléphant, sur la même façade une pierre proche du seuil porte un disque, les tailleurs y ont laissé leurs empreintes sur la plupart des blocs. A la pointe Sud se tenait une vaste bâtisse, ce n’est plus qu’un champ de pierres parfaites descendues par un séisme, peut être celui de 1114 qui ravagea toute l’Euphrathèse et Maras. En le traversant quelques-unes bougent encore, comme tombées de la veille, pas un arbuste ou la moindre touffe d’herbe ! L’éloignement, à plus de 20km de Kozan, augmenté d’une position inaccessible préservent encore le site des pilleurs ou des aménageurs. Pour rejoindre le temple au nord, cela coûte encore 100 m de dénivelé, la marche pénible d’au moins deux kilomètres dans ce sale maquis, avec le risque évalué de se perdre au moins plusieurs fois. Sans nous, pour cette fois, ils nous restaient six heures de lumière naturelle. Nous sommes allés voir les deux petits châteaux de Rifatiye avant de monter vers Karsanti. R.C.
Andil 2013 Turquie (Cilicie)
Publié par R C le décembre 14, 2013
Le dernier contrefort, avant de s’enfoncer plus profondément dans la montagne. Un infini visuel, depuis les dalles du promontoire l’horizon s’efface dans la plaine de Cilicie. A 15 km au sud-est les immeubles de Kozan scintillent sous la masse sombre de l’éperon de sa citadelle. A l’abri de la barre rocheuse, la progression par le sud-est dure au moins une demie heure, à 1100 m le vent du nord-ouest redouble au passage du col. Bousculé par les bourrasques, il suffit de remonter l’arête vers le sud, encore 50 m. Pas de mur ou de fossé, vous touchez à la bâtisse. Un bloc de 20 m sur 10 avec un appendice arrondi en lieu de tour qui pouvait défendre le front Ouest. La nature du bâtiment interroge, particulièrement dans la fonction de certaines salles ou de leurs aménagements qui ne permettent pas d’attribuer de rôle de précis. Au moins, nous pouvons nous accorder sur l’élévation fortifiée et l’aspect militaire, avec le premier accès à plus de 2,50 m, une absence d’ouvertures même défensives sur ce premier niveau, la taille des blocs et une épaisseur de mur conséquente. Il y avait un étage, très ruiné aujourd’hui, plutôt dévolu à l’habitation avec sept pièces, toutes nantis de fenêtres et couvertes par des voûtes, aucune trace de mode de chauffage. Les hivers sont rigoureux, souvent au printemps ou à l’automne la brume plombe le piémont du Taurus. Le site d’Andil est connu, deux archéologues Français le visitent au XIXe, mais il demeure sans histoire. L’occupation byzantine se confirme par des fragments de sculpture et de pierres gravées qui, selon Edwards sont stockés à l’école du village. De la période arménienne, ce serait des pièces de monnaie et surtout la majeure partie du bâtiment. Edwards distingue plusieurs phases dans la construction, à l’origine un simple bloc, le tiers Nord, extérieurement rien de flagrant, l’examen de son plan révèle des parois plus épaisses sur ce front, mais il s’agit de la partie exposée. Ce mur Nord recèle quelques particularités, hormis des traces de réparation côté Est qui favorisent aujourd’hui la désolidarisation du chainage Nord-est, il s’agit surtout des vestiges de boulins toujours fichés dans leur logement de pierre. Certainement en place depuis plusieurs centaines d’années ! L’usage des trois salles aveugles, ou presque, du soubassement alimente toute l’intrigue d’Andil, certains y voient des citernes avec une réserve de stockage au centre là où se situe la porte, d’autres évoquent des salles funéraires… La seule citerne assurément se trouve dans la tour, aucune ouverture, un seul accès par la voûte à côté d’un reste canalisation en poterie qui descendait l’eau depuis la toiture. Dans le même espace, des pierres descellées sur le mur Ouest laissent deviner un passage entre les parois, bizarrement chaque pièce en possédait un plus ou moins grand, Edwards le mentionne sur son plan en reprenant l’idée de circulations murées lors d’une phase de reconstruction. Il y a eu du bricolage et pas seulement sur le mur Nord, en différents endroits sans justification, des pierres à bossage parfaitement taillées, avec un méplat, se retrouvent insérées dans les murs. A quelques mètres vers le sud, subsiste toujours le soubassement d’une tour contemporaine de la période arménienne, elle s’aligne dans la continuité du mur Ouest, sans certitude de liaison. Cette partie sud-ouest est très abîmée, ce faisant elle permet d’accéder à l’étage et de pénétrer dans la salle basse. En rejoignant le village, juste au col en dessous du cimetière, une autre construction contemporaine du château sert d’étable. Un gros bloc semi enterré contient deux belles salles voûtées intactes, de belles pierres à bossage marquent les chaînages d’angle. Pour son attribution sociale, il est évoqué une église… à condition qu’il y ait un étage. Parions que dans quelques siècles le sol des salles rejoindra le sommet des voûtes, augmenté de quelques strates de crottes de biques. R.C
Rifatiye 2013 Turquie (Cilicie)
Publié par R C le décembre 14, 2013
Andirin plein nord, la vallée de Rifatiye longe celle qui relie directement Çokak, une voie supplémentaire pour se rendre à Geben et traverser le Taurus. La position défendait plus certainement un chemin en provenance de Kadirli. Aujourd’hui, la route la plus rapide est celle d’Andirin qui utilise le plateau d’une haute vallée. Bifurquez vers l’est sur une piste pour vous rendre dans le val de Rifatiye, franchissez un petit vallon. La localisation est fléchée depuis la route principale ensuite c’est terminé car il s’agit d’une conurbation. Deux fortifications gardaient la vallée, vous en trouverez une près de Seratepe, baptisée Rifatiye I par Edwards cette ruine est la plus attrayante, à Cembaz il faut se diriger vers Güney. Rifatiye II, établi à quelques kilomètres de distance près de Karapinar, a trois inconvénients, installée sur une colline au milieu de la vallée offrant simplement la vue sur des prairies, très abîmée il ne subsiste plus que les soubassements d’un plan ovoïde gardé par deux tours, enfin son accès est protégé par une clôture. On en perçoit facilement les vestiges, mais en faire le tour est difficile, d’autant qu’ils n’en valent pas la peine. L’implantation est petite : 30 mètres sur 15. Elle daterait des Byzantins sans parti pris des Arméniens, ces derniers se consacrant à l’autre position plus emblématique, voire plus signifiante militairement. Pour 100 m de plus, à 1200 m changement de paysage dans un univers plus minéral avec grand panorama sur 3 chaînes de sommets. Sur la pointe d’un éperon fait de gros blocs, le fort domine au nord un petit plateau habité et cultivé, vers le sud il plonge dans une étroite vallée. Sans aucun doute, la variété et l’ouverture d’un déroulement montagneux, piqué de forêts sur des côtes ocre d’or, captive d’avantage que la ruine qui se résume à une simple paroi. Légèrement infléchie, elle suit le relief du flanc Nord en défendant le seul accès possible à l’éminence. Trois tours, la plus importante, à l’est, contient une cavité qui s’apparente à une citerne, au dessus s’élevait sur un second niveau. De moindre attrait, les deux autres sont pleines. L’accès se situait sur la portion Nord, actuellement il s’agit d’une béance dans la muraille, sans pierres de parement ou linteau. L’appareil bien régulier, constitué de petits blocs nés du socle rocheux, s’y enracine comme son excroissance naturelle. Les murs parlent encore de leur base byzantine puis de l’empreinte de la construction arménienne. Une histoire totalement inconnue pour ces deux postes de contrôle en vogue aux tumultueuses heures des XIIe et XIIIe siècles, dont l’abandon semble très ancien. Pour votre cheminement demandez aux habitants, ils seront ravis de vous aider et peut être de vous accompagner, surtout pour le site de Seratepe. R. C
Yeni Koy 2013 Turquie (Cilicie)
Publié par R C le décembre 3, 2013
Le château, comme une couronne de lauriers, ceint une gentille protubérance au milieu du plateau. La vallée se termine, derrière les falaises il y a celle d’Aladag/Karsanti où les lourds camions tracent lamentablement en remontant la rue principale. Tout s’oppose, au calme des bruissements d’oiseaux répondent la fureur des klaxons existentiels et des triporteurs pétaradants, l’une est humide, froide, au versant couverts de résineux, l’autre est aride courue par des vents qui balaient les saisons. A 1000 m, au mois d’octobre l’hiver n’est plus un pressentiment, à l’isolement s’unissent les rigueurs de la vie en altitude, bien à l’écart des voies empruntées. Depuis le village, un chemin monte entre les clôtures, un bel exercice de land art qui mêle astucieusement avec une débonnaire élégance tous les ramassis de bois : planches, piquets, branchages, broussailles, bien calés dans un sommier de pierres. Une humble élégance dans une unité colorée de gris lavés par le soleil et la pluie. Des tôles assouplies claquent au vent, elles bordent des brèches dans la muraille, toute la cour sert de stabulation pour des chèvres, dans la tour Ouest le sol de la salle, relevé de déjections, en est devenu moelleux. Il n’y a pas d’histoire connue à Yeni Koy, selon Edwards la construction peut être attribuée aux Arméniens, thèse augmentée par des pièces de monnaie retrouvées par les paysans. La position et l’attrait du site se portent sur deux voies de circulation, vers l’ouest la vallée d’Etekli avec le fort de Meydan, et l’axe nord/sud qui traverse le Taurus vers Kayseri. Bizarrement, le château ne se trouve pas à cette intersection mais dans une vallée parallèle, certes plus confortable et mieux abritée à tous égards. Toute l’enceinte se cale sur la butte dont les pourtours sont taillés en aplomb, six tours disparates occupent les saillants. Trois sont pleines, l’une flanquait la porte et deux contenaient des pièces recouvertes de voûtes, la principale toujours debout servant d’étable. Les courtines gardent leurs soubassements, la partie Nord est la mieux conservée, un épais lierre s’accroche à toute la périphérie, bien taillé par les ovins il contribue certainement à préserver le couronnement. La basse cour semble logeable, des murets plutôt contemporains segmentent l’espace, mais des constructions en bois seraient largement envisageables d’autant que le mur Nord porte un décrochement propice à supporter ce type d’installation. L’appareil, en rangs réguliers se constitue de petits moellons équarris sommairement, la construction est soignée sans ostentation, il s’agit d’un château modeste qui accueillait une petite garnison. R.C.
Ak 2013 Turquie (Cilicie)
Publié par R C le novembre 19, 2013
Au plus haut point, la petite chapelle se trouve exposée à tous les vents, les plus forts du nord impriment au gazon frais dans l’abside un mouvement rotatif. Sur la frise du couronnement les dernières pierres sculptées sont lavées par le souffle incessant, douce modénature en lutte contre la rationnelle efficacité militaire. Ak est un petit fort pour une petite garnison, sa grande enceinte occupe tout le sommet d’une protubérance rocheuse implantée au centre d’une large vallée. Visible de toute part, il ferme l’accès à la vallée supérieure d’Andirin à deux kilomètres vers le nord. Ensuite, le voyageur parvenu sur les hauts plateaux tombait sur Azgit. Une réplique, même mode de construction, implantation similaire et destination militaire exclusivement. Plus au nord, Geben arrêtaient vraiment les pèlerins, là résidaient ceux qui administraient toute cette longue vallée depuis Kadirli vers Goksun, combien de caravanes, de soldats et d’aventuriers sont passés… L’histoire inconnue d’Ak se fond dans celle de Gaban. En se référant à Azgit dont le site a été fouillé, la construction est attribuée aux seuls Arméniens au XIIe siècle. Leur arrivée dans la région en 1145, est consécutive à la proche fin du comté d’Edesse. Les Chrétiens ont conquis l’Euphratèse, mais les Mamelouks remontent avec des incursions dans la vallée dès le début du XIIIe, ils gagnent la partie en 1346. Toute la muraille est debout, les deux portes restent aujourd’hui les seuls accès à l’intérieur du fort. La coquille est bien vide avec sa vaste basse cour fractionnée par une barrière naturelle de rochers. L’accès recommandé se situe au sud par une poterne à l’abri d’une petite tour, l’ensemble est en bon état, les points d’ancrage au sol pour les gonds témoignent de la qualité et d’une praticité qui se perpétuent au XIXe dans de vieilles maisons de Kozan. L’entrée principale, plus importante, était flanquée d’une grosse tour circulaire dont les fondements serviraient de citerne, nous sommes au point le plus bas du château. Edwards mentionnent trois corbeaux destinés à supporter un hourd, juste au-dessus du passage, depuis 1979 ils auraient disparu, la poterne possédait un semblable dispositif. Les pierres, toutes de belles tailles et très dures, sont taillées grossièrement mais régulièrement, puis assemblées difficilement par du mortier. Les points de vue ne manquent pas, il est possible de faire le tour du rocher sauf sur la face Nord qui présente un méchant abrupt. Parvenir jusqu’aux murs relève d’un cheminement athlétique, depuis le sud, emprunte le lit d’un torrent à sec ou un maquis d’épineux en utilisant les passages des chèvres. Tu peux te rendre à l’extrémité Nord-Est, mais il te faudra revenir sur tes pas, les abrupts sont infranchissables et la muraille reste efficace. Alt 893 m 36 21 989 N et 37 32 898 E R.C.
Hotalan 2013 Turquie (Cilicie)
Publié par R C le novembre 18, 2013
Quitter Karsanti /Aladag, charmante petite cité de caractère, plutôt montagnarde, en allant au sud. La route vers Etekli s’élève dans des grandes forêts de sapins, jusqu’à Kaledagi, passer sous Meydan à 1500m le château est à 1900, en redescendant le paysage devient plus sec. Dans Etekli la piste file vers le nord en direction de Posyagbasan à 8 km, la tour est posée sur une colline au nord-est du village. Deux accès sont possibles, par le nord en contournant la butte puis en montant tout droit durant un bon quart d’heure dans la broussaille ou par le sud depuis des chemins qui partent du village, certainement plus long mais plus confortable. Hotalan est un modeste point de contrôle parmi un dispositif fortifié, égrené au fil des vallées transversales vers le nord-est, depuis les Portes de Cilicie qui passe à Karsanti pour se rendre à Sis puis vers Maras. Encadrée par les gros forts de Tamrut à l’ouest, de Meydan à l’est, la tour offrait un relai d’intervisibilité entre tous. Encore plus à l’ouest se trouvait la tour d’Isa, enfin au vers le sud, à l’ouest d’Etekli, le petit ouvrage de Yanik, dans la veine des Sinap gardait le fond d’une gorge. Une seule tour posée sur un gros rocher, sans élément défensif, un premier niveau directement accessible par une porte, une grande salle aveugle voûtée légèrement en ogive. L’étage est ruiné, il comportait deux ouvertures, aucun accès depuis l’intérieur et pas de traces sur les murs extérieurs, il faut imaginer une structure en bois. Les vestiges de la ruine inclinent à penser pour une ouverture sur le même côté Ouest. La seule particularité, sans extravagance, est le plan avec son front Est en abside qui lui confère l’allure d’une grosse chapelle. L’appareil de construction se différencie d’un niveau à l’autre par la dimension des blocs et l’épaisseur des murs, selon Edwards la campagne d’édification est unique, certainement au XIIe. Un travail d’Arméniens comme tous les châteaux et tours de cette ligne, à l’absence d’histoire également.
Alt 885 m 37 30 031 N et 35 14 778 E R.C
Cardak 2013 Turquie (Cilicie)
Publié par R C le octobre 27, 2013
Actualisation de l’article de 2009
Une infinité de chemins mène vers le sommet, bien entendu il faut privilégier celui qui épargne d’une longue marche, source de perte dans un maquis de pins et d’épineux. Les outils d’orientations modernes ont favorisé une approche plus précise que lors de notre précédente visite infructueuse. La piste depuis la route de Cardak s’est améliorée, néanmoins certains passages en cas de pluie deviennent des pièges à embourbement. La fin de partie pédestre, nécessite plus de 3/4 heures de progression sur des sentiers de chèvres, avant de tirer tout droit lorsque la muraille semble proche, confectionnez-vous des repères.
Un château sans porte, dans la construction arménienne cet organe avec son aménagement défensif fait souvent l’objet d’un soin particulier. Rien de tel sur cette grande enceinte en partie debout, hormis sur les faces plus accessibles Nord et Ouest. L’accès s’effectue par une brèche sur la courtine Ouest près d’une grosse tour. La masse rendue imposante par la dimension des blocs culmine encore à sa hauteur originelle, la pierre très dure est taillée par éclat, la solidité et le bon état de conservation du château bénéficient de cette laborieuse construction. La forêt recouvre tout le massif, à l’intérieur de l’enceinte il est préférable de longer le mur pour se repérer, depuis le point de vue dominant, sous les claquements du drapeau, les chaînes du sud-est marquent l’horizon, au premier plan la muraille redescend. La vaste basse cour indiscernable sous la végétation dissimule de grands dénivelés, elle se parcourt sur de petits sentiers courant sous des saletés arbrisseaux aux épines assassines. La visite révèle les particularités d’une occupation domestique et militaire, les grandes salles des tours conservent les traces des portes qui les fermaient, dans les étroites tours défensives les grandes meurtrières en partie obturées ont été adaptées pour un tir rasant vers le pied de la courtine. La chapelle garde une belle allure avec son abside éclairée par trois lancettes.
La visite de 2009
L’un des plus gros forts de Cilicie, Cardak s’appuie sur les premiers monts du massif de l’Amanus qui bordent le sud-est de la plaine. A 10 km à peine de Osmanye, depuis ma chambre d’hôtel je pouvais distinguer un morceau de muraille. Le château est ancien, il pourrait être cité dès 942 s’il s’agit bien du site d’Hamous. Aucune certitude pour une attribution exacte, la corrélation entre des faits et des lieux est rarement établie, en Cilicie seule une poignée de forts en bénéficie. La localisation stratégique en fait un ouvrage déterminant dans la défense de voies importantes au moyen âge. L’accès vers le sud, par la passe de l’Amanus vers Savranda, la route de la plaine vers l’est en allant vers Gaziantep puis Edesse, enfin vers le nord dans la direction de la vallée qui mène à Goksun. Pour l’intervisibilité, sa position en bordure de plaine lui ouvre la perspective vers Toprak à l’ouest, Harunye au nord est, Bodrum au nord. Le château a hérité du nom du village juste en dessous, pour s’y rendre il faut prendre la route de Osmanye à Gaziantep. Bizarrerie turque, à une grosse intersection un panneau de signalisation indique Cardak Kalesi, direction plein sud. Ne te réjouis pas, ce sera la seule indication, 10 m plus loin il faut déjà tourner vers l’est afin de reprendre la route qui passe par la montagne vers Yarpuz/Fevzipasa. Traverse le bourg qui s’étend sur des kilomètres, comme la plupart en Turquie. D’abord dans les cultures puis dans les pins, la route monte à flanc de coteau. Après les premiers lacets, sur la droite une piste en épingle aborde la montée plus rudement, effectivement elle semble se rapprocher du château. Nous avons tenté notre chance à deux reprises, le soir après un orage, cinq kilomètres de caillasse et de boue, le lendemain matin dans de meilleures conditions, après 8 km et 1/2 h de marche nous avions toujours une vallée et un mont à franchir. Quatre à cinq heures de quête pour des prunes ! Consolation, les vestiges visibles depuis notre route sont parmi les plus emblématiques du lieu : trois tours et un beau morceau de muraille toujours en parfait état, elle est bien plus abîmée sur la face Nord. L’enceinte est un quadrilatère de 100 m presque équilatéral, sur le plan les rares bâtiments sont accolés au revers de courtine Ouest. Un grand espace sans ouverture, Edwards y verrait bien une citerne mais campée sur un rocher au point le plus haut, il faut s’interroger sur la collecte des eaux. Au milieu, reste un bâtiment sans toit où notre ami y placerait une autre citerne. Tout à côté un petit édicule isolé attribuable sans équivoque aux Arméniens servait de chapelle. Ce serait là leur seule contribution. Les ruines émergent d’une forêt de pins qui recouvre tout le site, celles que nous voyons correspondent au côté sud, A prévoir, quelques heures et peut être le concours d’un guide ou d’un indigène désoeuvré pour accéder au pied des murs. Position appro. : lat. 37° 05 N, long. 36° 19 E R.C
Mancilik, Mancinik, Mandjilik 2013 Turquie (Cilicie)
Publié par R C le octobre 27, 2013
Préambule à l’actualisation de l’article de 2009
Nous avons enfin repéré puis visité le château au terme de quatre excursions, lors de cette dernière des bergers nous ont accompagnés depuis la piste jusqu’au site. C’est par un chemin différent de celui d’Edwards que nous sommes parvenus à l’éperon, certainement plus long autrement plus aisé, une grande partie est aujourd’hui carrossable. Je ne révèlerai pas notre cheminement, d’ailleurs difficile à décrire, ce faisant vous en trouverez des bribes dans le premier texte, je le maintiens in extenso, il retrace notre premier périple de 2009.
La quête, essentielle dans nos visites, s’assimile parfois à une nouvelle conquête, celle d’un autre âge aidé d’une bonne cartographie GPS embarquée, d’une étude du terrain avec le concours de Google Earth, du cumul de trois visites infructueuses, le questionnement d’indigènes dans un rayon de 3 km car au-delà nous sortons de leur périmètre domestique, enfin de la relecture des rares textes afférents.
En réalité le Château de Mandjilik contrôlait 2 passages : le très fréquenté Nord/Sud qui reliait la plaine Cilicienne à Antioche ou à Alep et la passe Est/Ouest dans le massif de l’Amanus vers la vallée qui relie Maras à Antioche. La piste traversante que nous avons empruntée correspondait-elle à celle employée par les voyageurs du XIIe siècle ? Il n’existe aucune photo de l’ensemble du château. Pourtant la voie domine l’éperon du fort de 200m, au travers de l’épaisse forêt s’aperçoivent difficilement la porte et une tour du front Nord, impossible de les photographier.
Si vous trouvez sur le chemin en contrebas de la muraille une pierre gravée d’un texte en caractères arméniens vous aurez beaucoup de chance. En 1970 elle ornait encore le voussoir de la porte principale, inexorablement elle se fait aider pour rejoindre le bas du ravin où elle disparaîtra définitivement. Après l’étude des photos d’Edwards et d’Hellenkemper, tout reste en place, la progression de la forêt semble stationnaire. Des trous en diverses places et le dégagement de la base du mur Ouest attestent de fouilles récentes, le fait d’Italiens selon nos guides. S’il est impossible de faire le tour de loin ou de près, l’intérieur est tout autant ingrat, la forêt s’y enracine en s’agrippant aux murailles. Heureusement les salles couvertes le sont toujours, l’unique dégagement de la gangue verte, s’ouvre sur un point de vue de montagne, le surplomb du rocher plonge dans la gorge. L’autre s’enfonce dans l’obscurité de l’ombre quand le plan des falaises pâlit au soleil. Il faut gravir les quelques marches taillées dans le rocher, puis s’installer sur la plateforme en attendant. Je devinai un lieu immémorial, oubliant l’attrait archéologique, supplanté par cette projection où j’ai pris une place à laquelle tant d’autres avaient goûté.
La visite de 2009
Le château invisible, depuis la plaine, depuis la montagne et depuis la mer.
Au XIIe et XIIIe les voyageurs qui descendaient vers Antioche pouvaient apercevoir la silhouette du fort en repli des premiers monts. Enfoui dans une abondante végétation il est vraiment difficilement discernable, au terme de 4 heures d’investigation en poursuivant une piste carrossable puis une tentative pédestre dans un maquis à 600 m d’altitude nous avons échoués. Edwards en 1974 avait eu recours à un guide local, et mentionne au moins une bonne heure de marche, sans donner son point de départ. Depuis 34 ans, l’infrastructure routière a largement progressé, nous avons pu constater que les pistes forestières étaient souvent praticables par des véhicules de tourisme, surtout s’il y a de l’exploitation forestière. Ce faisant, l’usage d’un 4 X 4 pour s’aventurer dans ces montagnes peu fréquentées est largement recommandée, les cartes précises sont introuvables, existent-elles ? Tout bien considéré, l’intervention d’un guide s’avère salutaire et économique si vous ne souhaitez pas sécher sur un sentier ou passer une nuit dans une voiture embourbée, au mieux cheminer de longues heures pour rien. Second chapitre de l’aventure, une fois le fort aperçu et parfaitement localisé il faut encore trouver le chemin le plus simple pour parvenir à sa porte. Enfin, au pied des remparts la quête peut se terminer par de l’escalade. Ma première analyse de Mancilik se borne à l’interprétation du plan et aux excellentes supputations d’Edwards. L’attribution du lieu et sa trace dans des chroniques moyenâgeuses est sujette à circonvolutions, des explorateurs allemands y verraient bien un château baptisé Neghir par les Arméniens, ce faisant il était construit en basalte noir, or ce que nous n’avons pas vu est construit en moellon de calcaire bien jaune. Assurément, le fort contrôlait l’axe nord/sud, plus tardivement il a pu servir de base arrière pour les postes de Payas à l’époque des Ottomans. Le site est nanti de plusieurs constructions à usage domestique dont des citernes, une chapelle, des salles voûtées, l’ensemble est inclus dans un système défensif puissant, autant d’équipements qui orientent vers une occupation régulière plutôt que celle d’un ouvrage de garnison. L’accès le plus aisé s’effectue par l’ouest, avec pas moins de trois portes, les autres côtés sont bordés de rochers. L’état de conservation semble attractif, tous les bâtiments sont agglomérés dans la partie haute, à l’est. Plusieurs rangs de mâchicoulis sont toujours en place sur des parties de murs extérieurs et intérieurs. Au Nord, deux grosses tours sur deux niveaux, leurs salles étaient couvertes par des voûtes en ogive. Si vous parvenez dans l’enceinte vos efforts certains devraient être récompensés. L’accès au village de Rabat/Konakli, dernier village avant la montagne, passe par Doryalik ou Dortyöl à l’est de Payas, sur la route du littoral qui descend vers Antakya. La montagne qui le supporte est entièrement boisée. Sur la route principale à Doryalik bifurquer en direction de la montagne, l’intersection se trouve avant un pont qui enjambe une petite rivière. La piste forestière qui pourrait y mener démarre après la traversée de Rabat au pied de la montagne en longeant vers le sud, puis rapidement il faut prendre à gauche le chemin monte sur le flanc d’une colline au dessus d’une carrière, après c’est la forêt. Edwards évoque une marche dans le lit d’une rivière vers l’Est puis un accès final depuis le nord, dans une forêt très dense. Position : lat.36°47 N Long. 36°19 E. R.C
Candir, Baberon, paperon 2012 Turquie (Cilicie)
Publié par R C le septembre 29, 2013
Même en relativisant, il s’agit quand même du berceau de l’une de des deux familles qui ont présidé aux destinées de la Cilicie pendant deux siècles. Une citadelle isolée aujourd’hui, à l’écart de toutes les routes, éloignée du premier village. Le visiteur solitaire ne s’en plaindra pas, la forteresse dont l’emprise épouse une espèce de gros camembert de 3,5 ha se trouve posée au creux de la vallée perdue, désertique, aux versants ravinés et replantée de pins. Une vague brume dilue la lumière grise d’un jour pluvieux, des éclats de verdure ceignent les flancs du pog. Cela n’empêche pas les bucherons de travailler même le dimanche. Au XIe siècle, Apelgharip vient ici trouver une meilleure fortune que dans son Vaspourakan natal, chassé par les Seldjoukides. Depuis la fin du XIe les princes arméniens exilés s’installent dans le Taurus, sans dépaysement depuis leur Arménie rocheuse et montagneuse. Accueillis à bras ouverts par les Grecs pour mieux les inféoder alors que ces derniers ont savamment manœuvré pour ruiner tous les efforts d’une auto administration en Arménie. Il faut aimer ou savoir pour s’enraciner dans ces montagnes isolées, vivre dans des citadelles perchées à plus de 1500 m, la neige, la pluie, le froid, les intrigues et les musulmans qui gagnent du terrain. Tous à la même enseigne, les Roubéniens sont à Vahga, les Hétoumides à Lampron ou ici à Baberon, Gogh Vasil est à keysoun ou à Hromgla. Quant aux francs, ils se contentent de passer, préférant à d’obscurs châteaux les rivages lumineux de la côte phénicienne. Pour leurs alliances, les Arméniens joueront plus souvent avec les Croisés en s’opposant aux byzantins. Lorsque Apelgharip débarque avec sa famille à Tarse, c’est à Baberon qu’il entrepose sa collection de reliques, dont un doigt de Pierre. En prime, lui échoit également le fief de Lampron, il le cède à Ochin. En 1078, lorsqu’il disparaît, Ochin revient, à son décès en 1110 Ochin II reprend la place, ensuite nous connaissons Sembat 1er, puis Bacunian jusqu’en 1199. De fortes personnalités continuent de s’imposer avec Constantin, puis Hétoum en 1263, celui qui fonde la dynastie des Hétoumides, elle s’impose à la tête du royaume de Cilicie. Baberon se trouvait à la confluence de deux routes qui se rejoignaient pour filer vers le sud, la région est riche, parfaitement alimentée par les torrents et rivières qui descendent des sommets alentour. La forêt couvre la montagne, dans la vallée, vergers et cultures procurent toute l’aisance nécessaire. Un véritable eden enviable, bien enclavé, préservé des raids Seljoukides, les premiers ont lieux vers 1245, les Mamelouks délogent définitivement les Arméniens à la chute du royaume à la fin du XIVe, la place devient le chef lieu du canton. Le premier constat lors de la visite est l’absence d’éléments défensifs, pas de tours, ni de hautes murailles. La nature y pourvoit, aucun autre accès ne semble possible hormis celui du nord-est, entre 15 et 20 m de falaises ceinturent toute la plateforme. Ils devaient exister des passages en bois, notamment pour accéder aux caves, citées par Edwards, creusées dans le rocher. Le château résidence établi à la pointe Nord-ouest frappe le voyageur qui parvient ici pour la première fois. L’unique route d’accès depuis l’ouest, impose le point de vue solennel de la belle façade parée d’élégantes et grandes ouvertures en obérant toute références aux symboles militaires. La magnificence devient puissance, le calcul était-il délibéré de la part des Arméniens qui ont conçu et construit la majeure partie de Baberon ? Les points de vue uniques se multiplient, déterminés par la disposition extraordinaire du formidable rocher. Parvenir au plateau n’est pas banal, heureusement notre guide nous a épargné le gravissement inutile des premiers flancs en contournant les falaises par le nord et nous amener devant un minuscule passage surplombé par une paroi s’élevant à 20 m. Un escalier en deux volées, taillé dans le rocher, équipé de paliers fortifiés, t’emmène jusqu’au sommet. Un pavillon avec gloriette vaguement à l’abandon domine une lande lavée par le vent et la brume. Baberon, comme Vagha, ou Hromgla ont subi les prémisses d’une restauration tombée dans un oubli préférable, au regard des infrastructures touristiques dont « jouissent » Harunyié, Gosne et Ravanda… A l’exception de cet édicule, depuis lequel la vue doit être magnifique, et de menus aménagements dans l’escalier, le site est en parfaite ruine.
Parcourir l’étendue occupe une longue parenthèse que je ne décrirai pas, à chacun ses souvenirs, la chapelle, le palais, les marques des tailleurs, la décoration de certains linteaux, les hasards des éboulements, l’intervisibilité avec Evciler et des panoramas sur les vallées environnantes désertes ou pimpantes de minarets scintillants.
A 50 km au nord-ouest de Tarse, la voie la plus facile part de Mersin vers Gosne, dominée par un petit fort qui défendait l’accès aux routes de montagne vers Lampron et Baberon. Avant Degirmendere redescends vers Capar au col d’une nouvelle vallée orientée vers le sud, la citadelle se cache dans un défilé sur le flanc Est. La localisation est difficile, j’évoque notre guide dans l’article de Sinap. R.C.
Sinap Candir 2012 Turquie (Cilicie)
Publié par R C le septembre 29, 2013
Comme un croiseur de haute mer, une citadelle se protégeait par des petits bâtiments satellites. A Baberon, deux sont évoqués, chacun gardant une route d’accès. Gosne au sud, sur la route principale qui mène à la mer depuis Lampron, et notre petit fort, niché sur un ressaut, dans la vallée contigüe à celle de la forteresse. Encore à 1000 m, parfaitement arrosée par l’eau des sommets la fertilité bat son plein, les vergers alternent avec les prés à fauche ou des cultures maraichères. Le dimanche les hommes bavassent au bar, cibiche au bec en sirotant du thé, endimanchés et escarpins vernis, sur le parking cohabitent triporteurs, tracteurs, Toffas (Fiat 131) et Renault 12 break. Lorsque tu recherches un guide la place du village est l’idéal, aucun risque de tomber sur le fantaisiste qui t’expédie à l’opposé, en revanche il faut savoir faire face à un torrent d’informations, à 3 tasses de thé et plus d’une demie heure de palabres. La meilleure solution est de pouvoir embarquer un gars du pays. Inconvénient, s’il est ravi de te conduire et de te montrer les particularités du lieu, il se montre impatient de rentrer, comprenant mal pourquoi tu prends autant de photos, alors qu’une ou deux suffisent, avec lui au premier plan… Notre visite de Candir fut écourtée pour toutes ces raisons en revanche celle de Sinap, nous éclaira sur la vie rurale et bonhomme dans le piémont du Taurus. Le petit fort ressemble terriblement à Bogazpinar ou à Anacik, un appareil à bossage parfait, une tour quadrangulaire de 3 niveaux flanquées d’une tourelle pleine à chaque angle. La ruine est très avancée, envahie par la végétation, la construction fissurée dans son milieu s’ouvre inexorablement séparant l’ensemble en 2 blocs. Construit avec soin et application, les bossages sont réguliers, encadrés d’un méplat, certaines pierres portent encore les signes de leurs tailleurs. Les archères au 1er étage se terminent par un empattement, à l’intérieur, leurs niches correspondantes sont voûtées avec de beaux voussoirs parfaitement ajustés. Le rez-de-chaussée était couvert par une voûte. Où est la copie, où est l’original ? De Bogazpinar (Sinap face à Lampron) et Sinap ici, la similitude est flagrante, dans la forme, les dimensions, la construction et son implantation sans défense naturelle, bien exposée, sans rempart. L’attribution de ces constructions aux Arméniens n’est pas authentifiée, elle n’est pas déniée. L’accès au lieu est simple depuis la route, un bon kilomètre et deux gués pour parvenir à proximité d’une cabane accrochée à la pente. De la fumée s’échappent du toit, au mois de mai le chauffage est de rigueur à plus de 1000 m, la ruine se distingue d’une verdure ardente. Joie soudaine de retrouver la mine souriante de notre guide de Baberon, il s’attribue la propriété de la ruine et de la cabane. Nous comprenons qu’il est en train de construire sa nouvelle demeure, une dalle récente émerge des ronces en contrebas, à ces fins il aimerait bien nous vendre son château. En attendant, nous sommes conviés à partager un thé qui se commue en repas familial, notre nouvel ami abrite sa femme avec ses trois filles dans sa modeste demeure en bois, surchauffée, isolée par des fragments de bâches de polyane, une seule pièce de 15 m2 où toute la famille s’endormira dans une heure ou deux. La télévision fonctionne, l’ainée parle quelques mots d’Anglais, avec ses sœurs elle rejoindra dans une dizaine d’année la banlieue de Mersin ou d’Adana. Pourtant leur père est si fier de sa maison et de son cadre de vie, en ouvrant la seule fenêtre de la seule pièce il balaie de son bras tout le paysage environnant. Leurs joues s’empourprent lorsque le poêle ronfle, la vie en altitude procure quelques compensations. Les derniers rayons allument les falaises, le vallon vert vire au bleu, demain matin les trois petites rejoindront leur dolmus au bord de la route. R.C
Cem 2012 Turquie (Cilicie)
Publié par R C le septembre 29, 2013
Lorsque nous avons demandé à ce vieil homme qui bricolait dans son potager, le chemin pour nous rendre à Cem Kale, nous ignorions que sa fille habitait la ferme qui garde le sentier et que son gendre laissait à ses moutons blancs et noirs la jouissance du site. Avant les Arméniens, les byzantins étaient installés sur ce petit plateau, mais la cité était déjà abandonnée au XIe. La justification de cette thèse s’appuie essentiellement sur la qualité grossière de la construction faisant appel à des pierres de réemploi. Les preuves s’affichent sur le bâtiment de la porte qui se pare des plus belles, placées judicieusement à la vue des visiteurs. Il est toujours charmant de constater que, même dans les contrées reculées au bout du bout d’un éperon où les seuls protagonistes sont des paysans locaux, l’ostentatoire désir de paraître se manifeste. Sans trop chercher, vous trouverez aux alentours de la porte des croix grecques gravées dans la pierre, des cavaliers et des félins en haut relief, des extraits de corniches puis une pièce majeure couronnant le linteau de la porte. Deux lions féroces y encadrent un personnage, certains s’interrogent sur leur origine arménienne ou byzantine, ce type de statuaire ne se retrouve sur aucun château du XIIe, d’autre part la position de la pierre et son ajustement illustre un parfait bricolage. Il semble néanmoins que cet ensemble ait profité d’une attention toute particulière de la part de ses bâtisseurs, il suffit de lever les yeux pour admirer la bande de pierres affleurantes qui se démarque de l’appareil à bossage de la construction. Sept petites ouvertures, placées à intervalle régulier, rythment cette surface plane qui se déroule sur toute la façade. Presque moderne dans sa forme arrondie, elle se libère des contraintes défensives, les angles ne sont pas très prisés à Cem. L’enceinte ondule sur toute sa face Nord, le front d’attaque, les autres côtés sont bordés par des falaises ou du précipice, les murailles font plutôt office de parapet, toujours impressionnantes depuis la vallée.
Le fort se retranche sur un bout de rocher concluant une belle étendue de pelouse et de buissons taillés comme des topiaires par les moutons et les chèvres. Ramassée, la masse grise de rochers de laquelle émergent les fortifications se détache sur l’horizon, dernier refuge avant le grand plongeon. A l’intérieur, les blocs et les niveaux dictent le bâti, difficile d’y évoluer facilement aujourd’hui, l’affaire ne devait pas être plus aisée il y a 800 ans. Aucune plateforme de plus de 100 m2, le retranchement paraît la seule fonction du lieu. La partie la plus élevée forme un camp isolé par d’énormes blocs et une courtine intérieure. L’entrée se défend par un corridor et deux portes, l’ensemble s’appuie sur le mur Est. Un peu de spiritualité dans ce chaos abandonné à peine pillé, la chapelle trônait à l’extrémité Sud alignée sur un pan de la muraille qui conserve encore des merlons, certes de facture plutôt grossière, une rareté qu’il est intéressant de souligner. Seules parlent les pierres, aucune histoire, le nom historique étant inconnu, y demeurent quelques vestiges de l’occupation byzantine. Un bloc taillé portant des inscriptions, et surtout une chapelle, les ruines de cette agglomération que nous n’avons pas vues sont implantées sur le flanc Est, Edwards mentionne un ravin séparant les deux sites. Sur le plateau, au pied de la tour Nord-est il y a un abreuvoir aménagé, ses abords circulaires sont constitués de pierres taillées, citerne ou puits, les agneaux s’y désaltèrent paisiblement. Le château gardait l’aval d’une succession de vallées orientées nord sud, à l’est de la route principale depuis Goksun vers Kadirli. Edwards parle de la passe de Mazdaç, depuis Kadirli, monter vers le nord en direction Sumas, ensuite à Mehmetli, remonter une vallée vers le nord-est en direction Katirliköyü, vous n’êtes qu’à 650 m d’altitude. R.C.
Gosne 2012 Turquie (Cilicie)
Publié par R C le septembre 29, 2013
Presque trop beau, pour une fois l’accès est aisé, même jalonné par des tables de pique-nique ! Mauvais présage, non seulement pour les abords, mais aussi pour le trop bon état de conservation de l’édifice. Dans une brume bleutée les faubourgs de Mersin scintillaient encore, la route s’est rétrécie, s’enroulant aux flancs des ravins où s’accrochent des petites villas estivales. A 1100 m, le bourg de montagne se transforme en une station touristique, échappatoire estival à la fournaise de la plaine côtière. En avant de la cité, le petit fort isolé sur son pic contrôle idéalement l’accès aux hautes vallées, vers Lampron à 25 km ou Baberon juste dans celle d’à côté. Profitez de cette unique vue de carte postale, la suite n’est que déception tant l’ouvrage est digéré par le parc public qui l’entoure, même la terrasse qui relie les deux constructions en surplomb du ravin est une création contemporaine. L’histoire connue n’est pas, cet avant poste protège la route vers les principales forteresses Hétoumides, certainement le fief d’un hobereau méritant, adoubé par un Ochin ou un Constantin… Edwards attribue la construction aux Arméniens, un travail de qualité caractérisé par un appareil régulier usant de beaux moellons à bossage. Deux bâtiments se font face, reliés par un mur sur le front Est, l’un fait la tour, l’autre la chapelle. Peu ou pas d’éléments défensifs, ou disparus : le fossé, qui aurait permis de couper le fort de la montagne, ne figure pas. Le plus grand bâti (dit la chapelle) ne possède aucune d’archère, ses seules ouvertures se retrouvent sur toute sa périphérie, il s’agit de petites lucarnes en forme de lancettes, sans doute pour un apport de lumière. Le modèle de construction rappelle celui d’Anacik ou des deux Sinap dont l’un se situe dans la vallée d’à côté. De petits forts compacts à l’allure élégante avec leurs constantes : des tours d’angles saillantes pleines, un plan quadrangulaire, des courtines régulières en moellons à bossage. La visite est courte, hormis les abords re-décorés, le reste du château s’appuie sur des masses rocheuses difficilement praticables avec 100 m de falaises sur toute la face ouest, enfin de solides grilles ferment les accès à l’intérieur de chaque bâtiment. La tour serait l’élément défensif, avec son étage, ses mâchicoulis, son archère plongeant sur la cour, les ouvertures plus importantes donnent vers les à pics de la vallée. De ce côté la voûte est rayonnante selon le plan polygonal de l’édifice, de l’autre l’allongement du construit contraint à une nef en ogive supporté par des doubleaux, vous en verrez trois. Le dernier annonce une nouvelle travée mais un mur la dissimule, au premier regard la construction extérieure paraissait plus longue que l’aperçu de son intérieur. La cloison semble ancienne, Edwards la mentionne, sans aucune porte, mais au faîte de la voûte un trou permettait de voir l’ensemble, vide, aujourd’hui il est obstrué. Toutes les interprétations deviennent possibles, mais il ne s’agit pas d’une citerne. Un maigre suspens, pour cette affaire non expliquée. Le site ne fait aucun autre mystère, dommage un peu plus de relief me laisserait sur un meilleur souvenir. R.C.
Haruniye 2012 Turquie (Cilicie)
Publié par R C le septembre 29, 2013
Dans le petit bourg papillonne toute une population, fébrile comme un samedi, le vieux château s’accroche à la montagne sur un éperon avancé. Dans l’ascension, la route se dégrade en s’entourant de lauriers rose, l’eau des ruisseaux coule à profusion. La progression offre des points de vue circulaires, la silhouette est parfaite, rectiligne, la masse encombre toute la colline. Il n’y a pas encore de parking, mais tout est aménagé pour recevoir des touristes, l’administration turque ne fait rien à moitié lorsqu’il s’agit de réhabiliter son patrimoine. La place est parfaite, des bungalows rythment le cheminement vers le fort, d’abord on descend puis on remonte pour parvenir au pied du rocher. Un beau monolithe de basalte, l’énorme tour de l’époque Mamelouk rappelle celle du Marquab (en Syrie) avec son appareil polychrome. Un sentier en dalles de béton permet d’effectuer le tour sans se salir, des gardes corps en bois préviennent de toutes chutes, les courtines ont été relevées ainsi que les tours, les arches des portes reconstruites, les pierres ne peuvent plus tomber. L’entreprise de restauration a débuté en 2009, en 2012 l’extérieur du château est neuf. Depuis leurs cahutes au bord du chemin, les familles pourront admirer l’œuvre d’Haroun Al Rachid, remaniée par les Byzantins après 960, puis par les Arméniens au XIIe, suivis par les chevaliers Teutoniques en 1236. A la fin du siècle les Egyptiens reconquièrent la place, élue chef lieu de canton et symbole de leur puissance lors de l’occupation. La première construction, dès la fin du VIIIe, est donc arabe, en plein milieu de l’Amanus la position défend la route qui relie La Cilicie à Maras. Lorsque les Grecs tentent de reconstruire leur empire au Xe siècle, Nicephore Phocas réinvesti les territoires perdus, en 959 le château de Haruniye lui revient. Après 1198, la place appartient aux Arméniens, nul ne sait quand et comment. Léon Ier fonde le royaume arménien de Cilicie, heures fastueuses du petit territoire sillonné par tous les occidentaux en quête d’aventures. Finalement le fort échoie aux chevaliers Teutoniques, arrivés sur le tard dans la contrée les Allemands s’installent plus volontiers en Cilicie, les Francs préférant la côte phénicienne aux montagnes arides. Pour affirmer leur légitimité et se défendre des Grecs, les rois de la Petite Arménie courtisent les Croisés et plus loyalement les princes allemands. Deux cadeaux en font la preuve : Amuda d’abord puis Haruniye en 1236, cédé par H’étoum. A ce répit occidental, quelques aménagements culturels typiques sont attribués : l’aménagement du passage d’une herse, ainsi que le soin augmenté à la forme parfaite des niches d’archères en pointe d’ogive. Vers 1266 lorsque Baïbars remonte, au premier mouvement les chevaliers lâchent l’affaire. Heureusement l’intérieur n’a pas encore profité des mêmes largesses de la part des maçons du XXIe siècle, juste une mise hors gel du dessus des parties voûtées. Les deux niveaux restent accessibles, autour de la cour les salles et la longue galerie de la porte principale gardent les stigmates du passé soigné. Remarquables : la reprise d’alignement d’une portion de la voûte en ogive ou des culs de lampe qui attendent toujours leur doubleau. Dans la galerie, un rang de blocs saillants fait office de corbeaux, une particularité pour disposer d’un niveau supérieur pour le stockage, une idée exploitée à Toprake. L’escalier vers la terrasse se dissimule dans un solide bloc de maçonnerie compris entre les espaces couverts. La cour longe le flanc moins exposé du sud-est, toutes les galeries s’accrochent à l’épais mur bouclier au nord-ouest. Ces vestiges appréciables obèrent un extérieur navrant, tous ces kiosques vides en attente de la montée de la civilisation des loisirs. La masse totale du château semble liée au sol par deux solides passerelles de bois, la visite aurait même un sens : entrée par la porte principale en levant les yeux la trachée de la herse, puis la longue galerie suintante tellement que les parois se couvrent de concrétions calcaire, dans la cour effroi de la ruine, béance des salles aveugles soudain réveillées par un niche de d’archère, parfaite voûte ogivale restaurée hier, les plus téméraires filent sur la terrasse par le boyau de l’escalier, les blasés ressortent par la porte du sud, pour revenir à leur kiosques ils empruntent l’allée bétonnées qui longe le flanc sud-est. Un château qui se traverse bizarrement de part en part. R.C.
Turbessel, Tell Bâshir 2012 Turquie (Euphratèse)
Publié par R C le septembre 29, 2013
Rien, le tell règne sur une plaine agraire sillonnée par des larges routes comme les affectionnent les Turcs. Assise au bord de la nationale qui t’emmène depuis Urfa vers le sud-ouest, cette grosse motte donne 15 m d’aplomb à celui qui la conquiert et la possède. Là, il faut le reconnaître, les assaillants n’ont jamais démérités. In fine, tous l’ont possédée cette citadelle : les Byzantins, les Turcs, les Arméniens, les Francs, les Seldjoukides, sauf les Mongols car les Mamelouks avaient décidé de tout raser. Depuis la nationale, il faut beaucoup d’attention ou connaître l’histoire du site pour y déceler les moindres vestiges. La butte est pelée, à ses pieds rien n’y subsiste, aucun signe de la ville qui existait encore au XIIIe siècle. La première ferme seule est à 200 m, quant au premier village, étendu le long d’une route secondaire, il se traverse en baillant. La question vient immédiatement : comment en est-on arriver là ? D’une ville disputée où cohabitaient différentes croyances, devenue capitale du comté d’Edesse, imaginer ici une citadelle sur le tertre, sa muraille à ses pieds, la ville puis ses faubourgs, cela paraît insensé. Rien, toutefois si vous gravissez la côte, les flancs recèlent des vestiges qui vous procurent quelques compensations. Vous n’êtes pas venus pour rien ! Le promeneur attentif et observateur découvrira un dallage avec l’embase d’un mur en bel appareil, l’emplacement d’une porte ou d’une salle enserrée dans une tour. En longeant la périphérie, des traces de la fortification émergent de la terre, une saignée de fouilles sur toute la hauteur ne révèle finalement rien, autrement que de l’intérêt pour ce passé glorieux. Sur le côté ouest, une portion d’un mur remanié et constitué de gros enrochements semble appartenir à une époque largement antérieure à la période historiée, bien mouvementée, racontée par Maxime Goepp et Gérard Dédéyan. Jusqu’à la fin du VIIIe siècle, la ville fait partie de l’empire, mais la région devient de moins en moins sûre, progressivement les émirs gagnent le terrain qu’ils relâchent à nouveau aux Byzantins après deux siècles. 100 années plus tard, la main passe aux arméniens, des Roubéniens de la famille Pahlawouni, implantées à Birecik au nord, en bordure de l’Euphrate. Les Francs débarquent en 1098 incluant la ville dans leur comté d’Edesse, sans hostilité de la part des Arméniens et des Syriaques Jacobites, soulagés car les émirs aux portes du territoire, ne relâchent pas la pression des raids. Les revirements ne font que débuter, le XIIe siècle sera chaud. L’histoire pourrait être fastidieuse, retenons la puissance et la richesse de Turbessel, plusieurs fois capitale refuge des comtes d’Edesse, cité florissante. La plaine est fertile, arrosée par le Sadjour, la route d’Antioche y passe, lieu de commerce et d’échange, souvent encerclée mais rarement prise, située à 50 km au sud de l’Euphrate elle n’est pas l’enjeu d’un passage stratégique. La vie y paraît plus douce qu’ailleurs, les grands noms de l’épopée du royaume de Jérusalem l’ont fréquentée. Un peu de name dropping, chronologiquement : les deux frères Pahlawouni Apelgharip et Likos, Baudoin de Boulogne, Fer, Gogh Vasil, Tancrède d’Antioche, Josselin de Courtenay, Josselin II et sa femme Béatrice (une princesse arménienne), à peine Josselin III, Nour-el-Din, Saladin et Baybars. Turbessel bien défendue par ses deux enceintes dont l’extérieure en terre crue de 4 m d’épaisseur, ses 15 tours et sa position dominante, ne survivra pas la destruction de sa citadelle en 1265 par Baybars avec ses Mamelouks. Après la vente du comté en 1150 aux Byzantins, puis la conquête de Nour-el-Din en 51, la ville est passée définitivement dans le giron musulman, elle reçoit une restauration de ses défenses dans le dernier quart du XIIIe. Marque de son enrichissement ainsi que de l’insécurité qui plane sur la région, jusqu’à la fuite des derniers croisés en 1291. En roulant vers Kilis, d’autres tells ponctuent ce chemin droit, étaient-ils couronnés par de petites forteresses ? Au moins, ils rompent la monotonie de la morne route, avant d’attaquer les pentes du Kartal Dagi qui t’emmène à 400 m vers Rawanda. R.C.
Adilcefaz 2012 Turquie (Vangolu)
Publié par R C le septembre 29, 2013
Le paysage de la Turquie moderne n’est pas avare de châteaux en ruine. Territoire traversé, envahi, morcelé, qui a accueilli toutes les grands courants religieux, s’enrichit aujourd’hui de vestiges d’une époque douteuse, perchés en des lieux oubliés. Le village d’Adilcevaz, n’est pas perdu, il s’étale sur les rives du lac de Van prétendant au statut de station balnéaire. En venant par le sud, la route surplombe toute la baie, sur une dernière bosse avant de plonger vers la plaine où se répand l’agglomération, les derniers restes de la citadelle pointent de la masse calcaire. La couleur bleue méditerranée de l’étendue d’eau réchauffe une atmosphère de fin d’hiver, neige persistante sur les sommets du Nemrut, vent du nord-est et herbe rase. L’état de ruine semble ancien, des murs de galets sur champ et pointe résistent, mais pas assez pour esquisser un plan ou discerner les bâtiments militaires des habitations privées. Il y en avait environ une petite centaine autour desquelles se comptaient des bâtiments publics, pour le stockage du grain, une poudrière enterrée, des citernes, des tours en fragments aujourd’hui, une mosquée qui garde les plus beaux restes et pour cause… Des autres constructions, seules des arches, quelques amorces de voûtes et des chicots de murailles se souviennent du passé : Byzantin, Seldjoukide et Arménien lorsque la ville s’appelait Ardzgui. Une colonie arménienne y a vécu jusqu’en 1915, bien auparavant les Urartéens avaient investi le rocher, leurs traces se retrouvent surtout à Kefkalesi, un peu plus haut en remontant dans la plaine vers l’ouest. Le lac de Van au IXe avant JC a été le berceau du royaume Urartéen, enflant au VIIIe il s’étend vers l’est et le sud est, de la Géorgie à l’Irak, puis il disparaît au VIe. Aldicevaz se trouverait en avant poste au bord du lac pour la citadelle de Kefkalesi, des blocs taillés recyclés dans la construction portant des marques d’inscriptions cunéiformes le prouvent. Plus à l’est, la citadelle de Van garde dans les vestiges de l’ancienne Tushpa la mémoire d’une architecture soignée qui mêle des blocs cyclopéens à de la brique crue, un modèle dupliqué sur toutes les autres sites fortifiés du royaume. Les vestiges d’Adilcevaz trop abîmés ne révèlent rien. R.C.
Diyarbakir, Amida 2012 Turquie
Publié par R C le septembre 29, 2013
La haute muraille byzantine noire comme le basalte qui la fait flotte sur une mer de baraques, domine un marigot ou pérore devant des platebandes vertes arrosée chaque matin. Dommage, une saleté crasse stagne dans l’antre des tours, puanteur repoussante qui imprègne toute la rigueur de la pierre noire. Immobile, tandis que bruissent les ruelles et s’ébrouent les boulevards, la muraille est dressée pour une éternité, à ses pieds les gars remontent le rideau de fer de leurs boutiques, le thé chauffe, ils tirent une latte sur leur première cibiche, il est 7 h. Vues immuables et séculaires sur le rempart extérieur, à peine ravivés par une camionnette fatiguée ou des paraboles rouillées, habitat bricolé entassé, potagers et dépotoirs, images de premiers faubourgs, rues en terre battue ravinées par des filets d’eau orangers, retour idyllique pour un aperçu de l’an 1000 quand la muraille n’avait que 500 ans. Diyarbakir ou Amida a toujours été une ville importante, elle digère poussivement un exode rural massif, 400 000 habitants en 1990, près de 900 000 aujourd’hui. La banlieue grimpe vers les collines qui se gavent d’immeubles pimpants et de concessions automobiles aux vitrines fumées. Convoitée, chahutée, l’entretien de cette enceinte du IVe siècle basée sur une première romaine revêtait pour la cité sa part dissuasive pour contrer des envahisseurs velléitaires. Elle ne s’est donnée qu’aux plus forts du moment, fondée vers 1500 av avant JC dans le royaume araméen, les Assyriens qui contrôlaient la région l’ont cédée aux Perses, lors de son grand voyage Alexandre l’a annexée, dans son sillage les Séleucides en ont hérité. Au début de l’ère chrétienne, la présence arménienne est évoquée, viennent les Romains vers 115, puis les byzantins, le siège de l’évêché syriaque jacobite s’y installe épisodiquement. Au milieu du XIe, les Arméniens passent en laissant de mauvais souvenirs. Les dynasties Kurdes s’y installent avec l’accord de Byzance, l’arrivée des Seldjoukides en 1085 provoque une alternance avant la domination Artoukide de Mardin pendant tout le XIIe. Saladin s’installe avec ses troupes avant de nouvelles convoitises Turques, finalement au XVIe elle s’ajoute à l’empire ottoman. Seuls absents du convoi les Francs, aucune information, rares sont ceux qui s’aventuraient dans le nord de la Mésopotamie. Le pittoresque se place sur les remparts, la promenade suggère des paysages lointains dans la plaine brumeuse du Tigre ou vers le piémont de l’anti Taurus. En guise de premier plan : la surpopulation, caractérisée par un urbanisme non maîtrisé, parfois fragmenté par des espaces de réalité agrémentée, enclos et platebandes où s’embrassent des amoureux où les enfants jeunes s’ébattent. Digne travail de Romains pour la structure de la fortification qui alterne tours et murs, une organisation globale rigoureuse incarnant la répétition : 4 portes opposées ferment l’enceinte, un plan et une structure identique des tours. L’appareil en blocs de basalte bien calibrés pourvoit à la pérennité, avec des reprises très récentes et plus anciennes, il s’agit du fond de commerce touristique de la ville, qu’il vaut mieux contempler que pénétrer. A l’intérieur des tours, la rudesse de l’architecture romaine est malmenée par le vandalisme, l’accumulation des immondices, le mitage des voûtes et des murs. La promenade sur la muraille ouvre d’autres perspectives sur la fortification qui s’insinue dans l’étendue des baraques, depuis cette hauteur les tours bastions livrent sur leur couronnement tout un travail ciselé de modénature et de sculptures islamisantes. Un maniérisme décadent qui rime avec l’abstraction des toits terrasses et l’ondulation des tôles. R.C.
Antioche, Antakya 2012 Turquie
Publié par R C le septembre 29, 2013
A Antioche le climat est international et patrimonial, dans le centre historique les vieux immeubles se restaurent à l’occidentale pour une jeunesse dorée et de nouveaux branchés plutôt riches. Construite par les Grecs vers 300 avant JC, Rome l’aime, la repeuple en conservant son cosmopolitisme. Elle fera le berceau du catholicisme romain, sa fameuse église Saint-Pierre adossée à la colline en témoigne encore aujourd’hui. Je n’en recommande pas la visite, hormis aux papelards, plus inspirés par l’esprit du lieu que par son architecture. 526, un grand séisme ruine toute la ville, 250 000 résidents y laissent leur peau, 540 repassent les Perses, Justinien la relève et rebattit la muraille. Passent les Sassanides, les Arabes, les Byzantins, les Seldjoukides, la population se maintient entre 300 et 400 000 habitants. Le déclin, la conquête franque en 1098, première grande ville prise par les occidentaux, la fin en 1268 lorsque Baïbars libère la Syrie. En 1216 Léon Ier, roi de la Petite Arménie, s’y était installé provisoirement. En 1489 les Turcs reprennent la ville dont la population est tombée à 40 000. Le retour des Egyptiens en 1832, annonce une période d’instabilité pour toute la région, plusieurs châteaux reprennent leur vocation de sites militaires, les fortifications d’Antioche bien conservées servent de carrière. Rien ne subsiste des murailles construites dans la plaine, il faut se rendre sur la crête pour en apercevoir les derniers vestiges quand ils dépassent la forêt. En courant, la longue bande enserrait quatre collines, rythmée par des tours carrées, elle possédait également beaucoup de poternes. Difficile de défendre une telle enceinte selon les chroniqueurs, ce qui justifie les invasions subies. L’intérêt de la ruine est secondaire, en primaire il faut se contenter d’un beau point de vue sur la ville et la vallée de l’Oronte. Il y avait un château sur la troisième colline, le mont Silpius, à l’emplacement de la première acropole. Certains tronçons de muraille portent les traces effectives des divers remaniements depuis la construction grecque au Ve siècle. La largeur ne descend pas en dessous de deux mètres, tranché il laisse apparaître entre ses parements un remplissage de lits de galets. Les moignons des tours restantes marquent parfaitement leur époque, une assise constituée de solides blocs, suivie de plusieurs rangs de briques qui soutiennent une superstructure de petits blocs parfaitement taillés. N’espérez pas trouver de repos, là-haut le brouhaha de la ville se confond avec celui de la rotation des dumpers qui redescendent toute la montagne voisine dans leurs bennes, la pollution et la poussière apportent la 3e dimension, en été avec le soleil l’enfer doit devenir enviable. R.C.
Pergé 2005 Turquie
Publié par R C le janvier 10, 2014
En Europe, la tour ronde appartient au XIIIe siècle, signe d’un renouveau dans l’architecture militaire, symbole du château fort dit philippien, un quadrilatère parfait, flanqué de 4 tours cylindriques. Les archéologues disent également qu’une construction circulaire oppose une résistance accrue aux projectiles, mais qu’elle résiste moins au temps. Elle aurait une tendance à la lézarde, puis à l’éclatement. C’est au retour de leurs voyages en orient que les chrétiens reprennent le modèle, alors que les Grecs, les Romains et les Omeyades au VIIIe, l’insèrent déjà dans leurs systèmes défensifs. Dans la muraille de l’enceinte hellénistique de Pergé, deux tours défendaient la porte aval de la cité. Actuellement, au-dessus de la cité romaine, deux fragments se dressent encore à leur culminance originelle de 12m. Sur la plaine de vestiges qui durcit sous le soleil, les deux lames dominent par leur brutalité. Les deux constructions identiques, dans un appareil de gros moellons à bossage, sont surlignées à leur dernier niveau par un chaînage décoratif. Aucun percement sur le fût, seule une bande d’impostes sous le couronnement. La construction date de l’occupation grecque de Pergé entre les IIIe et IIe. Fondée en 1000 avant JC, à 17 km de la mer, le port demeure actif jusqu’à son envasement vers le VIe siècle. La ville prospère sous les Achéménides, les Grecs, puis les Romains, pour se fondre dans la poussière lors des conquêtes arabes du VIIe. La désaffection économique du port, un peu de peste suivie d’une mutation religieuse, métamorphosent la plus grande ville d’Anatolie. Siège du christianisme jusqu’au VIe siècle, le patelin appartient aujourd’hui au monde agricole. Les ruines de la cité recèlent toujours de trésors de la statuaire romaine, dont je laisse l’inventaire aux guides touristiques. A l’écart de l’enceinte, vas faire un tour dans le stade, la molle ondulation de ses gradins se modèle à la mouvance du terrain. R.C.
Calan, la Roche Guillaume 2012 Turquie (Cilicie)
Publié par R C le septembre 29, 2013
La route passe au nord du rocher de Trapesac en le contournant par un large arc, puis s’enfonce dans la montagne. Nous quittons la plaine pour renouer avec toute l’incertitude des pistes et des chemins de montagne. Il pleut beaucoup au printemps sur les reliefs de l’Amanus et du Taurus, l’état des routes, entre profondes ornières et coulées de boues ne facilite pas la progression pour les 13 km du vol d’oiseau qui sépare les deux forts. L’avancée s’apparente plus à celle de la tortue que de l’aigle fondant sur son but. Pour aller débusquer les gars planqués dans leur nid, il fallait être motivé. Les visiteurs, au fil des siècles, admettent un voyage fastidieux, aujourd’hui la passe de Nur Daglari qui offrait une autre voie pour aller d’Alexandrette à Antioche est peuplée comme un bout du monde d’où personne ne voudrait s’échapper. La situation impeccable, une haute vallée avec le premier plateau de Dergimendere, le village s’aligne de part et d’autre d’une piste de boue rouge où les chevaux sont plus à l’aise que les 4×4. 1200 m, toute la fraîcheur de l’altitude, le site potentiel du château se découvre tout au bout de ce long plateau, mais la route replonge à nouveau dans une vallée boisée. Le rocher supporte une grande plateforme inclinée où l’on distingue sur une excroissance des fragments de muraille. Quelquefois la paresse nous ferait placer les ruines au bord de la nationale juste pour nous éviter d’essayer tous les chemins qui mènent vers le pog. En attendant nous roulerons, nous questionnerons et déclinerons quelques tasses de thé. Cette fois encore il faut contourner, d’abord par le flanc Ouest, c’est à l’axe du rocher qu’une piste de plus traverse la vallée vers l’est, perché sur ses falaises nous allons l’aborder par le nord, la direction de Y’ousul était la bonne. Au col, file un sentier vers l’échine qui relie le haut plateau du château à la montagne. Le cheminement dans un sous-bois ne donne aucun repère sur la progression, entre le site et le col se trouve une première éminence trompeuse, son seul intérêt est de dominer la face Nord-Est du fort. Son ascension n’est pas aisée mais néanmoins possible, le point d’appui apparaît remarquable pour un siège d’autant qu’il verrouille tout accès à l’éperon. Nous n’y avons pas trouvé de traces de fortification évidentes. Il faut vingt minutes pour se rendre jusqu’au pied du fossé, une tour carrée épouse le sommet de la falaise. Le sentier longe le côté nord, puis circule sur la paroi Est, parfois il est taillé dans le rocher quand il s’arrête devant une faille. Auparavant il devait exister une passerelle en bois qui surplombait un précipice, remercions les bergers qui ont jeté par-dessus ces 4 m deux petits troncs, le passage s’effectue avec des prises de mains dans la roche. Enfin, le long plateau herbeux où souffle le vent, des vestiges de murs bordent les à-pic de la vaste basse-cour, le bloc fortifié veille. L’ensemble est très ruiné, des éboulis de petits blocs de pierres mal dégrossis couvrent les pentes. La construction ne brille pas par son appareil qui ressemble à celui de Baghras, une élévation rapide avec beaucoup de mortier. La ruine semble ancienne, les restes souffrent d’un long abandon, quelques morceaux de bravoure sont toujours en place : plusieurs citernes ou salles enterrées à mi pente, un pan de courtine sur deux niveaux avec deux ouvertures et la façade intérieure de la chapelle. Certainement la pièce la plus éloquente du savoir faire de certains constructeurs, peut-être Arméniens, la voûte de la porte d’accès est constituée de 8 voussoirs parfaitement ajustés, au-dessus dans la même veine, plusieurs rangs de pierres remarquables forment la naissance d’une voûte. La chapelle, ainsi que le logis qui lui est contiguë sont établis chacun sur des pièces voûtées, Edward évoque une crypte, C. Cahen une citerne, l’avancée du logis dominait et protégeait la passerelle. Nous n’en avons rien vu, des pans de murs se seraient effondrés depuis les relevés de 1981. Les récits historiques contemporains de la belle époque du XIe au XIVe siècle mentionnent des noms de sites évoquant leur environnement ou la vue qu’ils offrent. C’est en partie sur ces textes (peu nombreux) que depuis la fin du XIXe les archéologues historiens avancent une histoire et un nom pour ce château. Sans aucune certitude, il pourrait donc s’agir d’un fort tenu et construit par les Templiers appartenant au système défensif qui s’ajoute à Baghras et Trapesac. Eloigné de près de 30 km de ce dernier, reculé au fin fond de la montagne il décourage Saladin en 1188, en tenant les deux autres l’intérêt de la Roche Guillaume tombait. Léon II, roi de Cilicie le récupère en 1203, les chevaliers s’y réinstallent vers 1230 et l’abandonnent au passage des Mamelouks en 1266. Les Arabes l’appellent aussi Hadjar Choghlan, mais d’après une description éponyme, depuis ce château l’on voit un lac, or il n’y en a aucun de visible aujourd’hui. Les Turcs le nomment également Tchivlan Kalé. Dernier mystère dans la passe, des cartes et d’autres témoignages signalent un siège épiscopal : Palatza, Baldjat et/ou Chougr un couvent. Depuis la route principale bien avant Karankya, en remontant d’autres fonds de vallée en quête d’un « Sultan Kalé » inscrit sur la carte routière contemporaine, nous sommes tombés sur un ensemble de ruines auquel nous n’avons donné aucun nom ni fonction. La configuration du site, son implantation en bas d’une petite vallée, une maçonnerie plus légère que celle d’une fortification, la disposition cloisonnée du plan pourrait évoquer un bâtiment utilisé à des fins religieuses. R.C.
Trapesac, Darbsak 2012 Turquie (Cilicie)
Publié par R C le septembre 29, 2013
La célébrité et la convoitise ne préservent pas de la ruine bien au contraire, elles capteraient dans leur sillage toutes les vanités. Dominer tous les regards, se distinguer, s’élever, appartient à aux symboles de la réussite. Satisfaction pour celui qui peut s’offrir la place stratégique depuis laquelle il est sûr de voir et surtout d’être vu. Tel est le propre d’un site fortifié, Darbsak n’échappe pas à la règle, il la magnifie, place célèbre parce que stratégique du Xe au XIVe dont les rares vestiges se dissolvent dans des constructions récentes. La vue sur la plaine se dégage, il faut un œil aguerri, quelques bons rudiments d’histoire et les idées larges pour imaginer une citadelle, un bourg à ses pieds avec des Templiers affairés. A l’est part une route vers le nord, celle d’une passe dans le Nur Daglari, elle offre une autre voie pour aller d’Alexandrette à Antioche. Un passage bien gardé par le nid d’aigle de Calan à 15 km à vol d’oiseau, une bonne heure de route de montagne. L’histoire de Trapesac se mêle à celle de Baghras ou de Calan en défendant des passes vers l’Amanus et l’accès à la plaine vers Alep et Antioche. Origines inconnues, mais la position attractive incline à penser pour une installation romaine reprise par les byzantins, puis reconstruite par les Templiers vers la moitié du XIIe siècle. L’histoire s’emballe vers 1170 lorsque Mleh le templier arménien inféodé aux muslims capte la place. Il décède en 1175, les chevaliers reviennent pour une bonne dizaine d’années avant de subir un gros siège. Il s’agit de la campagne de reconquête de 1188, Saladin a déjà récupéré tout le comté d’outre Jourdain, Saone et quelques autres sites fortifiés. En possession du prince d’Alep, Trapesac demeure musulman, résistant à plusieurs tentatives. Arménienne en 1205, lorsque Léon 1er conquiert Baghras et Antioche, puis de la part des Templiers vers 1237 installés de nouveau à Baghras et à Calan (la Roche Guillaume), mauvaise fin pour les moines guerriers, certains finirent à Alep dans un défilé où seules figuraient leurs têtes. Enfin, vers 1260, les Mongols auront raison de la garnison, ils concèderont la place aux Arméniens, mais Baïbars repasse en 1266. Dernier assaut connu en 1280, encore les Mongols, ils détruisent la ville et le château. Maintenant, conquérir le tell est devenu une formalité, une route circule autour de la colline, un petit parking se trouve au pied de l’aqueduc, le chemin parfaitement aménagé grimpe vers l’extrémité Est de la plateforme. Depuis les vestiges d’une tour carrée qui domine le paysage la route de Calan disparaît entre deux bosses, l’illusion perdure. Pour l’ambiance contemporaine, il suffit de se rendre vers la pointe Ouest en traversant le site, l’attrait d’une vue plein sud encourage les reconstructions. Elles forment un bel exemple de mutation et d’adaptation, l’abandon de pareils emplacements paraîtrait suspect. Parvenu à la pointe Ouest, les ruines sont plus conséquentes et semblent préservées pour le devoir de mémoire, quelques mètres de courtines, restes d’escaliers, une citerne et les bribes d’une salle voûtée qui contient dans sa paroi Est deux niches en lancette, comme des passages ou des ouvertures murées. La partie castrale occupait cette protubérance, il ne reste rien, l’appareil de petits blocs, généralisé à l’ensemble des bâtiments, tombent ou se recyclent plus facilement. Ce type de construction concomitant à la propriété des Templiers se retrouve à Baghras et à Calan. Les portions d’un glacis sont toujours visibles principalement sous le front Est. La visite sera rapide, à moins qu’il ne s’y installe une buvette. R.C.
Baghras, Gaston 2012 Turquie (Cilicie)
Publié par R C le septembre 29, 2013
Fort heureusement personne ne s’est encore penché sur la préservation de la forteresse de Baghras. Indemne, les murs sont tagués, la végétation s’étend, les pierres tombent, les béances s’ouvrent au dessus des voûtes, dans les galeries la terre et le sable ruissellent. Seul sur son gros rocher, la ruine raconte encore un passé plus que millénaire, elle doit être encore plus belle au levant quand la pierre blanche reçoit. Combien de gars avides ont rêvé du pouvoir, en contemplant la plaine vers Alep, à peine 40 km, quand vers le sud, 15 suffisent pour Antioche ? Les pentes douces du sud-est plantées d’oliviers ne laissent pas imaginer les abrupts redoutables du nord et de l’ouest, la passe est bien verrouillée. La fortification fait foi, avec une position incontournable pour tous les voyageurs ou les envahisseurs qui franchissent les Piles de l’Amanus. Siège d’un pouvoir convoité, ultime verrou qui défend ou inquiète Antioche au gré de ses alliances, Baghras relie la Syrie à la Cilicie, enjeu stratégique passant de mains en mains, sans vraiment subir de sièges. Au cœur des ruines le voyage se poursuit dans les galeries, les boyaux s’enfoncent dans la terre, les salles sont vastes, les casernements et les celliers éventrés mais encore voûtés, vestiges magnifiques. Délaissées, les niches de la grande chapelle, les belles lancettes du mur ouest de la salle de bal, l’allure altière des hautes galeries légèrement courbes ou les larges salles aux voûtes fatiguées presque naturelles. La fin de la journée apporte toute la solitude mais moins de lumière, elle canalise la boulimie du visiteur, le rendant à l’essentiel. Combien de sites ai-je visité au-delà du jour, où je m’efface dans l’obscurité. Bizarrement, la forteresse essentielle serait indéfendable, démantelée, brulée, abandonnée à deux reprises, plutôt qu’assiégée. Emplacement romain, elle appartient aux Byzantins qui la reconstruisent au Xe siècle, les Seldjoukides d’Alep s’y installent de 1084 jusqu’à l’arrivée des Francs en 1097, petit flou jusqu’à l’arrivée des Templiers en 1136. En 42, ils n’en disposent déjà plus, les Grecs l’utilisent comme base pour la reconquête d’Antioche toujours arabe, retour des chevaliers en 1155. Nouvelle perte en 70 au profit de Mléh, ancien Templier pro arménien qui s’appuie sur les soldats de Nour el Din, la soif du pouvoir ne se pose jamais de limite dans la duplicité. Mléh disparaît en 1175, les gars du Temple reviennent pour une durée de treize années, ils connaissent bien les lieux… Reddition qui profite à Saladin, pour deux années seulement, il démantèle et abandonne craignant une arrivée massive de Francs due à la troisième croisade. Installation arménienne en 1191, Léon II brigue Antioche afin de compléter son futur petit royaume de Cilicie. En 1193, Bohémon III s’y fait piéger, Léon imagine la partie gagnée mais les habitants résistent, il attend 1216 pour placer son pale petit neveu Raymond-Ruben sur le trône. Pendant ce temps les Templiers piaffent et intercèdent jusqu’au pape qui excommunie Léon, promis en 1211 ils ne peuvent à nouveau jouir de leur bien qu’en 1216. Entretemps, les Arméniens auraient effectué des travaux. Période de grâce pour nos amis à la croix, ils semblent conserver le château jusqu’en 1266. La mort de Léon et l’éviction de Raymond-Ruben en 1219, occasionne un changement éphémère de suzeraineté, un certain Adam est nommé régent mais il tombe sous les coups de poignard d’un Assassin. En 66, Baïbars remonte d’Egypte raflant tout sur son passage, c’est la fin des occidentaux en Palestine, nos amis chevaliers préfèrent incendier la forteresse. Les Mamelouks s’établissent jusqu’au col de Beylan, juste au dessus, dernière date connue 1280, les Mongols conquièrent le rocher mais les circonstances ne se racontent pas. Deux cents années de tumulte au profit d’une bande de turbulents, la paix arabe revenue, la position stratégique l’impose comme un fort de garnison bien entretenu. Ma fin oscille au XIXe, entre l’abandon et/ou l’incendie qui dissuade tout nomade entouré de chèvres d’y taper une incruste durable. R.C.
Ravanda, Rawenda, Ravenel 2012 Turquie (Euphratèse)
Publié par R C le septembre 29, 2013
Il n’y a pas d’horizon, juste des collines et des collines plantées de vergers comme il semble y avoir toujours eu. La seule qui ne soit pas cultivée est arasée avec un château fort ruiné posé dessus. Dans un paysage éternellement calme, aucune habitation, aucune présence, tout est rangé, même les ruines sont parfaitement aménagées. Toutes les civilisations sont passées par ici. En fin de jour, les Turcs d’aujourd’hui ont lâché leurs outils, à présent ils tchatchent sous la treille avec un verre de thé, une cibiche et leurs potes. Entre les montagnes, il se créait des passes, il s’agit ici de celle de la vallée du Haut Afrin entre Edesse et Antioche. Les places fortes ne manquaient pas, Bir, Turbessel au nord-est, quelques fortins sur des pogs au milieu de la plaine, ensuite Rawanda dans son pays de cocagne, puis vers le sud ouest, il y avait Calan loin dans la montagne, bordant la plaine se trouvait Trapesac et Baghras à 10 km au nord d’Antioche. La plupart sont d’anciennes fortifications byzantines, réinvesties par les Turcs Seldjoukides, passées aux mains des Arméniens, briguées et conquises par les Francs, reprises par les Ayyoubides, administrées et entretenues par les Artoukides, avec quelques années aux mains des Mongols, requises enfin avec les Mamelouks. L’intrigue la plus fameuse pour la possession du fief est concomitante à l’installation des occidentaux. Lorsque la cavalerie franque se pointe vers 1097, il faut s’imaginer une bande de gars peu scrupuleux qui débarque en terre inconnue, aucuns ne parlent la même langue surtout pas celle des locaux. Durant les deux siècles d’occupation, les lettrés chrétiens qui écrivent l’arabe se comptent sur les doigts des deux mains. Les chevaliers vont rapidement devoir s’appuyer sur des chefs locaux Grecs ou Arméniens. Bagrat, frère de l’illustre Gogh Vasil, appartient à cette caste, roublard en jachère de territoire, il collabore activement avec les Francs en les aidant à conquérir des places fortifiées aux mains des Turcs d’Alep. En gratification, l’aventurier reçoit le commandement de Rawanda et de Kourous, ce faisant le naturel perfide et cupide de l’Arménien lasse son protecteur Baudoin de Boulogne. Bagrat gagne du temps en cédant le bien à son fils, mais la torture franque sera la plus forte. Rawanda revient dans le Comté d’Edesse, Godefroy de Bouillon, frère de Baudoin, en devient le seigneur. Un long épisode plein de chantage, de tortures et de roueries, tant du côté des Croisés que de l’Arménien. En 1104, retour de Bagrat qui l’administre jusqu’en 1115 fin de la principauté, retour dans le giron du comté. En 1150, il constitue un lot parmi les perles de la vente du comté aux Byzantins, quand Nour el din passe l’année suivante, il retourne entre les mains des Ayyoubides, débute une période calme simplement perturbée par le passage des Mongols vers 1260. Parvenir à Ravanda, Rawenda, ou Ravenel… n’est pas difficile, mais il ne faut pas se fier à son emplacement sur la carte, son accès se situe à 15 km de Kilis sur la voie principale qui la relie à Antioche, une petite route s’enfonce dans la montagne vers le nord. Il faut passer un premier village puis une vallée, s’ouvre un nouvel horizon où trône sur son tertre le château. La fin du jour est propice, le calme, la douceur et les couleurs, mais elle abrège le parcours, l’emprise est vaste. Les ruines, sauvées par d’importants travaux de maçonnerie et de consolidation paient la rançon de cette conservation en vue d’un putatif tourisme de masse. Le flanc Sud est doté d’une rampe d’accès, mastodonte rampant de pierres blanches qui se distingue de très loin. Un trait caractéristique des nombreux châteaux que j’ai visités dans cette région est le relatif bon état de conservation de l’ouvrage d’accès. Œuvre d’apparat, néanmoins militaire, l’impression sur le visiteur s’y trouve déterminante, sophistication justifiée. Une valeur qui perdure sous tous les régimes, de l’héritage romain avec les Byzantins, aux Arméniens, avec les Mamelouks ou les Ayyoubides. Les soins apportés valent autant pour l’ingéniosité des systèmes défensifs que pour la qualité et la robustesse de la maçonnerie. L’état de la porte de Rawanda n’est pas le plus emblématique, mais les deux niveaux de galeries sont toujours présents, sa construction serait postérieure à l’occupation franque. Gare aux trous sur le plateau, deux grandes citernes et un puits, tous en parfait état de maçonnerie, offrent leur béance, vive l’aventure. La part de l’entrée est de loin la mieux conservée, elle devait englober le palais, seules cinq tours marquent encore le périmètre de l’enceinte, l’une d’elles possède encore son poste de garde. Insolite et sans justification immédiate une construction circulaire se plante au centre de la vaste étendue herbeuse à proximité de la citerne Nord, elle semble pleine, appartiendrait-elle à une première enceinte circulaire qui occupait le sommet de la colline ? Il existe une autre petite tour semblable sur le versant Sud. Pour longtemps, les ruines dominent l’apaisant paysage, demain ils reviendront s’occuper de leurs vergers. R.C
Hromgla, Rumkale, Rancula 2012 Turquie (Euphratèse)
Publié par R C le septembre 29, 2013
C’est un cas singulier, pendant 142 ans la citadelle et le bourg sont demeurés arméniens au milieu d’un territoire conquis par les musulmans. Un bel exemple d’intégration ou plutôt de diplomatie relative à la vocation ecclésiastique de la forteresse, siège du catholicos, le patriarche de l’église arménienne. En 1150, ça sent le roussi pour les Francs et les Arméniens, le comté d’Edesse vient d’être vendu aux Byzantins pour une bouchée de pain. Maigre pitance dont ils sont défaits une année plus tard. C’est la fin de la domination catholique sur ce territoire. Tout le monde se replie à l’ouest et vers le nord, Anavarza devient la capitale de la petite Arménie. L’histoire se répétera, l’exil entraine essentiellement ceux qui détiennent le pouvoir et les richesses. Le peuple, chrétiens, juifs, arméniens et syriaques restent laborieusement au pays gouvernés par les Artoukides, plus soucieux de commerce et d’équilibre économique que d’épuration. Jusqu’à la fin du XIXe siècle chacun cohabite et conserve ses rites religieux. A l’origine Rancula, ou Rom Kale est une place forte construite par les Romains, le site est propice, il suffit simplement de taper dans le rocher en agrandissant le fossé qui l’isole. L’entaille conséquente mesure 30 m de haut et 20 en largeur. Tellement infranchissable qu’il le demeure aujourd’hui, avec la montée des eaux de près de 50 m le site n’est plus accessible que par le plan d’eau. Auparavant, des chemins muletiers longeaient l’Euphrate, un gué reliant le bourg sur la rive opposée traversaient le Marzban Tchay, petit affluent venant de l’ouest. L’existence d’un village hors les murailles est attestée, les parois qui longent le fleuve sont truffées de niches et de grottes. Est-ce celui qui figure sur les photos antérieures à la construction de barrage ? Depuis 1994 le paysage s’est modifié, presque embelli avec ce miroir d’eau bleue qui baigne les fondements de l’éperon. L’arrivée par le fleuve, lorsque se distinguent les premières fortifications, a la simplicité d’être inoubliable, si tu es seul. 90 m dominaient le fond de la vallée, depuis la résidence du catholicos, perchée au sommet, actuellement il en reste 40. Le site est fermé à la visite, des travaux de restauration et des fouilles sont en cours. Nous avons pu tout de même pénétrer dans l’enceinte, les turcs canotiers et perspicaces savent reconnaître un véritable amateur, ils sauront également t’emmener dans la gargote de leur pote… Hromgla, ainsi que Vahga et Baberon, plaisent à mon panthéon imaginaire car ils allient les qualités des ruines majestueuses, à un passé glorieux, implantées nulle part ailleurs même pas dans le cerveau d’un Tolkien, vraisemblablement l’aurait-il copié ! D’ailleurs, les affaires culturelles turques entendent bien préserver ces morceaux patrimoniaux, chacun ayant profité de travaux de consolidation. Notre passage sur le site fut bref, le batelier nous avait accordé une grosse heure. Le temps passe vite dans un manège… nous nous sommes contentés de la face Nord sans le sommet. Franchir successivement les 7 portes gavées de souricières et de chicanes a déjà cruncher le quart du crédit. Ensuite, tu files instinctivement à la partie la plus emblématique de la fortification extérieure, le boyau des meurtrières, dont l’accès s’effectue par des fondrières dans les hautes herbes. Un appareil soigné avec un bel alignement de petites voûtes de blocage en quatre parties, il y a deux niveaux. A l’intérieur de la galerie, tu progresses dans toute la fragilité de la ruine, en osant à peine toucher aux pierres, il y a des effondrements. Cette partie semble exclue de l’infrastructure touristique de masse, entamée puis interrompue, les maçons fouilleurs ont construit des sentiers dallés et bétonnés qui relient les principaux bâtiments. L’étendue du site se comprend dans la place, partout le rocher porte les stigmates de sa longue exploitation, des Byzantins aux dernières occupations du début du XIXe, réduites à des églises et à deux dizaines de maisons arméniennes. L’installation des arméniens dans l’Euphratèse date du Xe siècle, poussés vers l’ouest par les seldjoukides, ils sont accueillis avec une bienveillance calculée de la part des grecs, formant ainsi un tampon entre les mondes mulsulman et chrétien. Jusqu’à 1150 Hromgla partage les vicissitudes de l’état de Philarète, sous la domination de Gogh Vasil il appartient au dissident K’ourdik, brigué plusieurs fois par les francs du Comté d’Edesse entre les mains desquels il tombe en 1115. Je décris cette période précisément dans mes articles au sujet de K’eysoun ou Besni ou encore Turbessel. C’est Beatrice, l’épouse du dernier comte d’Edesse, résidente à Turbessel qui cède la forteresse au patriarche de Tzok, elle échoit aux deux frères Pahlawouni Grigor et Nersès. Ces derniers, lors de la cession du Comté en 1150, en font le siège du Catholicos jusqu’en 1292, l’arrivée des Mamelouks et le départ des derniers Francs de Palestine. Plusieurs raisons justifient la persistance de l’enclave arménienne, de la diplomatie dès 1151 lorsque les deux frères négocient avec Nour el Din, puis de la pauvreté des terres aux alentours, la région est montagneuse sans ville alentour, peu d’enjeux économiques seul coule le fleuve entre des montagne arides. A ce sujet, Von Moltko mentionne un puits dans le château, à l’intérieur duquel descend un escalier qui rejoint l’Euphrate. Les dix patriarches successifs surent conserver une armée, qui repoussa des attaques arméniennes en 1185 et 1194. Le Catholicos, contre-pouvoir aux souverains de Cilicie résidents à Anavarza ou plus tard à Sis, finit par rejoindre la patrie mère en 1441. Au fil des années, s’était installé-là un centre d’enluminures dont l’apogée fut en 1250, Constantin Ier sut y attirer des artistes. Je tiens à remercier Monsieur Dédéyan pour toutes les informations contenues dans ses ouvrages « Etudes sur les pouvoirs arméniens dans le Proche-Orient méditerranéen (1068-1150) T.I et II » que j’ai utilisé lors de la rédaction de mes articles sur tous les sites de la région de l’Euphrate. R.C
Bir, Birecik, Al bira, 2012 Turquie (Euphratèse)
Publié par R C le septembre 29, 2013
L’évidence d’une position où lentement l’Euphrate coule sans mémoire entre ses falaises. Ici naissent ou finissent les contreforts du Taurus. Depuis les plaines de Mésopotamie, la chaleur monte, la ville conserve une allure médiévale, les rues bordées d’échoppes aux larges auvents s’amenuisent vers le plateau. L’ombre de la falaise et du château descendent sur la vieille ville, bruissante, étourdissante. Les plus jeunes sillonnent en mobylette, les bien plus âgés gardent l’ombre en sirotant un thé accompagnée d’une cigarette. Une toupie en bois vaut encore ½ euro, c’est une affaire de papy. Depuis l’est, Birecik marque une transition dans la traversée de la Turquie, un passage où toutes les rivalités historiques sont concentrées sur deux siècles, annonçant le début de la chute de l’empire byzantin jusqu’à l’installation définitive des musulmans, de la fin du XIe au XIIIe. Avant l’arrivée des francs en 1098 la cohabitation ethnique filait bon train, les Artoukides tenait le terrain. Philarète dans son projet de renaissance de la Commagène intégrait le point avec ses vieilles fortifications byzantines. Gogh vasil la revendiqua dans son vaste état, mais la principauté, tout en étant inféodée au Comté d’Edesse, est demeurée indépendante sous la férule des deux frères Pahlawouni, Apelgharip et Likos, jusqu’en 1118. Beaudoin de Bourcq et Galéran du Puiset auront mis tout le temps et l’argent nécessaire pour la conquérir, une année de siège ! L’enjeu en valait la chandelle : petit état, mais riche et surtout bien placé, il contrôle toute la Vallée de l’Euphrate ainsi que le passage est/ouest, enfin les Pahlawouni possèdent aussi Zeugma sur la rive ouest. Jusqu’à la vente de 1150 du Comté d’Edesse aux Byzantins Al Bira reste dans le giron franc. L’acquisition ne profite pas longtemps aux Grecs, une année plus tard toutes les places bordant l’Euphrate sont raflées par les Artoukides. La muraille qui enserre toute la ville date de l’installation des Mamelouk à la fin du XIIIe siècle. La forteresse profite d’un emplacement géologique très avantageux, elle occupe une falaise isolée naturellement du plateau par un large fossé dans lequel s’est installée la ville. Le système défensif est relativement simple, le site jouit d’à-pics sur tous ses cotés, d’ailleurs l’accès aux ruines n’est pas évident, un galopin livreur de pain s’empressera de vous y mener. La montée semble convenir à l’origine, le chemin est couvert par grosse tour carrée, dont dernière façade en état aujourd’hui montre un appareil en moellons à bossages. Le contraste est saisissant entre la construction dressée à la pointe Sud, paroi lisse, petites ouvertures rectangulaires. Terminant l’éperon, le bâtiment provoque le respect par son austérité et ses dimensions, un monolithe qui écrasait par sa puissance toute velléité d’approche à peine belliqueuse. L’attribution des constructions est délicate, la partie Sud pourrait être allouée aux Arméniens sous les Pahlawouni, le parement ainsi que les ouvertures de la tour Est, près de l’accès, semblent dater de l’époque des francs, sachant que les Mamelouks ont occupé la place suffisamment longtemps pour l’avoir aménager à leurs fins. Parvenu sur le sommet, la langue s’étire pendant au moins 150 m avec 30 m au plus large. Les traces d’occupations sont nombreuses, tas de pierres et blocs de maçonnerie rythment une plateforme où tout doit griller à souhait. La partie Sud conserve des salles voutées, évidemment aux relents nauséabonds, comme il sied à toute ruine urbaine. La qualité, la dimension et l’ajustage des blocs confirment l’hypothèse arménienne pour cette partie. Côté Est, de part et d’autre de la rampe d’accès, un beau glacis habillait les pentes depuis la base de la muraille jusqu’à la verticale de la falaise. Il se retrouve également à l’angle Sud/Est sur l’embase de ce qui devait être une tour. La vie rêvée aux pieds de la falaise n’est pas éloignée de celle qu’entretenait les Pahlawouni, contrairement aux cités voisines dont Gaziantep, Birecik est restée un bon bourg paisible, baigné par les eaux azur de l’Euphrate, encadrée par ses grandes falaises blanches. R.C
Besni Pehesni Turquie 2012 (Euphratèse)
Publié par R C le septembre 29, 2013
Vous n’irez jamais à Besni ! Loin sur la crête vaguement infléchie, les toitures des immeubles modernes scintillaient, devant moi un calme absolu s’étendait. Un caravansérail ruiné délicatement posé sur une terrasse, dans la ligne de fuite plusieurs minarets jalonnent les détours du torrent au fond de la gorge, pointant et rythmant l’espace. Depuis mon promontoire quelques ruines de tours s’accrochent encore à l’abrupt, en contrebas la route serpente jusqu’aux premiers faubourgs, à 5 km. A l’est de la ville, le site opérait comme un verrou, dernier rempart catholique contre l’envahisseur musulman venu des steppes du nord-est. Besni est en pays Kurde à l’ouest de l’Euphrate, vers l’est de la Turquie, à 130 km au nord de Gaziantep. A 900 m d’altitude, le bourg replié dans un relief de collines de moyenne montagne, s’étire aujourd’hui à ses extrémités nord et sud sur des crêtes. Garnies de nouveaux immeubles colorés, elles se peuplent d’un exode rural en pleine expansion.
L’importance parvient au Xe siècle avec l’arrivée des Arméniens, il y avait déjà un château occupé par des chrétiens Syriaque Jacobite installés-là depuis au moins le VIe. Dans sa volonté de reconstitution de la Commagène Philarète crée un état et établit plusieurs points de fortification sur une ligne de défense à l’ouest de l’Euphrate. A cette époque la ville se nomme Pehesni ou Bet hesna, la position est stratégique car elle se trouve à la confluence de voix importantes : nord sud de Mélitène vers Alep, est ouest de Diyarbakir vers la plaine de Cilicie à Marach. Dénommé le prince brigand, Gogh Vasil prend le pouvoir sur un territoire qui s’étend depuis Marach jusqu’à la vallée de l’Euphrate. En 1085, il s’empare des principales places fortes Rapan, K’esoun et Pehesni puis installe son siège à K’esoun mais il ne parvient à conserver ni Pehesni, ni Arnish et Hromgla tombées aux mains de K’ourdik, un de ses vassaux. Jusqu’à sa disparition en 1112, Gogh a ferraillé durement, en 1098, en compagnie de son frère Bagrat installé plus au sud à Rawanda, il se heurte à Godefroy de Bouillon, les deux frères étaient réputés pour leurs pillages des monastères jacobites. La position de Pehesni est déterminante en ce début du XIIe siècle, avec Hromgla au sud, c’est une épine dans le pied de Gogh car ces deux « fortifications de première » encadrent sa capitale K’esoun. Le grand tremblement de terre de 1114 aplanit les dissensions et la plupart des villes, Besni n’est pas mentionnée, mais l’événement signe la fin de la domination arménienne sur l’Euphratèse. En 1116, les Francs parviennent à leur fin en intégrant ce territoire au comté d’Edesse, sans fait de guerre, simplement en faisant empoisonner K’ourdik par sa maîtresse puis en écartant Vasil Tegha, le fils de Gogh. Hélas, la joie fut de courte durée, en 1151 Nour al Din reprend Edesse. En 1293, les Mamelouk s’octroient définitivement toute la contrée, le catholicos de Hromgla rejoint la Cilicie. L’horizon pacifié profite à l’activité économique qui justifierait la construction d’infrastructures commerciales et religieuses dont le caravansérail, un pont supporté par un arc en ogive, enfin l’érection de plusieurs minarets, (des relais de prières ?). Entre douceur et rupture, la topographie tourmentée du site contribue au mystère, depuis la colline qui embrasse tous les points de vue, plane toute la bizarrerie de l’endroit : filant vers le sud, une échine saillante déchire le paysage, vers la ville, à l’ouest, pointent les édifices religieux et commerciaux, à l’est émergeant sur de côtes herbeuses, plusieurs champs de tombes noires vaguement dressées, s’estompent derrière les graminées balayées par le vent. Lieu tellurique, ou concentration de forces magnétiques ? L’endroit est surprenant devenant intrigant en exagérant fascinant. Campé sur son assise supérieure le château fermait la vallée, ses flancs se parent de constructions symboliques qui tranchent des vestiges arméniens et byzantins.
Vers l’est, une fausse ruine de tour dont seule la façade aval demeure, inachevée ou simplement figurante, ses murs ne sont pas plus épais que ceux d’une habitation. Sur le devers Sud, une construction en forme de pyramide tronquée reprend la symbolique du passage dans un défilé, elle est formée par deux murs qui devaient se rejoindre au sommet. La construction de ces deux édifices est postérieure au XIIIe siècle, sur la façade de la tour un cartouche reprend une citation en arabe. Du château arménien, rares ruines, la face Ouest porte encore des restes d’enceinte et de tours en parfait surplomb, le front Est conserve des vestiges de salles semi-enterrées, le couronnement est pelé.
Lorsque vous parvenez à Besni depuis le sud ou de Gaziantep, traverser toute la ville vers le nord, puis descendre dans un vallon vers l’est qui ouvre sur la vallée, un minaret se situe en contrebas de la bifurcation. R.C.
Mardin 2012 Turquie
Publié par R C le septembre 29, 2013
La photo est prise depuis la terrasse de la Zincyre Sultan isa medresesi, dernier palier avant la falaise qui supporte la citadelle. Une grande enceinte couronne toute l’éminence, la muraille est ancienne, elle bénéficie d’une restauration récente adaptée aux besoins militaires contemporains. Zone devenue inaccessible depuis qu’elle est investie par l’armée, la vue sur la plaine de Mésopotamie y est infinie. Position stratégique au soleil finissant, les coupoles ciselées et les minarets sculptés absorbent toute la lumière que l’ocre peut restituer. Le printemps 2012 ne figurera pas dans les meilleurs souvenirs des annales des touristes, pour cause de renouvellement de son réseau d’assainissement, Mardin ressemble à un vaste chantier en attente de son hypothétique classement au patrimoine mondial. Reconstitution idéale pour le voyageur qui souhaite s’imprégner de l’esprit du passé. Ruelles puantes, défoncées, jonchées de détritus où les enfants très propres s’égaient encore avant d’aller se coucher. Temporairement, du bruit et des odeurs… rythmés par le muezzin. La ville est bâtie sur le flanc d’une colline face à la plaine, prétentieux fracas de ce microcosme urbain qui s’évanouit dans la plénitude de l’étendue. Remarquable empilement d’une unité colorée architecturale avec ses escarpements plus appropriés aux transports animal qu’aux scooters. Les adolescents s’émerveillent encore d’un cerf-volant et leurs pères d’une 280 SE des années 80, Mardin n’a jamais cédée aux Francs du comté d’Edesse. Cité principale des Artoukides du XIIe au XVe, pendant trois siècles, cette période de stabilité a procuré à la cité une prospérité et un essor qu’elle n’a perdu qu’au XIXe sous une tutelle égyptienne. L’emprise des Artoukides s’étendait jusqu’aux territoires de l’Euphratèse, en 1151 ils récupèrent l’administration du comté d’Edesse. En 1915, les chrétiens Syriaques et les Arméniens sont définitivement virés ou liquidés, ils constituaient pourtant la majorité de la population. L’ouverture à la consultation de certaines parties des archives du Vatican, a permis l’examen d’écrits, témoignages de prêtres, qui révèlent précisément ces événements consignés à présent dans l’ouvrage : MARDIN 1915. Anatomie pathologique d’une destruction. Yves TERNON. Attachée aux premiers contreforts de l’Anti Taurus, la frontière syrienne à vue d’homme, à mi-chemin de la méditerranée et du lac de Van, Mardin est vantée dans tous les guides, les perles sont rares dans ce lointain Est turc. Ville centrale et caravanière, depuis l’ère chrétienne elle aura vu défiler les Arabes, les Arméniens, les Mongols, les Seljoukides, les Artoukides, les Egyptiens, les Ottomans, les Kurdes. Un tourbillon de richesses et de misère. R.C.
Rapan, Araban 2012 Turquie (Euphratèse)
Publié par R C le septembre 29, 2013
Disposition géologique ou construction humaine, les tells, ces petites collines, sont posés sur de vastes étendues parfaitement planes, presque par enchantement. En tout état, très pratique pour y bâtir une citadelle qui domine pour des kilomètres à la ronde de belles plaines irriguées par des affluents de l’Euphrate. Les enjeux sont posés avec une zone vivrière et une frontière naturelle, l’anormalité serait de ne pas se retrouver aux carrefours de luttes, et ce depuis l’antiquité… Il y a bien eu bataille, siège, mouvement de troupes et diplomatie autour de la butte de Rapan. Peu de vestiges peuvent encore en témoigner, le monticule est bien pelé, il culmine à 30 mètres et en compte environ 100 pour chaque côté. Des bribes de murs et de glacis affleurent sur les flancs du tertre, la basilique romaine avec ses salles enterrées rendent la visite plus gratifiante. Comparativement à K’ésoun et Yavuzeli (P’arzman), au nord et au sud, nous avons la sensation de fouler un site remarquable, mais pas tout à fait seuls car un troupeau de chèvres colonise les ruines, sans compter les tags qui égaient les murs de l’édifice. En voyageant dans le proche orient ce mode de dégradation devient tout à fait acceptable car il appartient aux codes d’intégration de véritables ruines dans les schémas urbains ou ruraux. Le bâtiment qui émerge du plateau est une construction en gros moellons dont les parements et les voûtes évoquent un travail de romains, enfin d’esclaves… Sa base a été récemment déblayée, dégageant toutes les entrées, elle atteste du niveau originel du sol, l’intérieur doit sa préservation à son ré-emploi en mosquée. A côté, deux parties de voûtes en ogive dépassent du remblai, les fouilles ont ouvert d’autres espaces publics contigus aux constructions. La place de Rapan située sur la rivière Araban contrôle aussi l’intersection de la route depuis Ayntab (Gaziantep) vers le nord (Pehesni) avec celle qui relie Hromgla à Marash, enfin elle fait partie de la ligne défensive qui borde la rive ouest de l’Euphrate. Autant de postes, de villes et de citadelles érigées par les byzantins, qui matérialisent un attachement à cette zone frontière, convoitée par les musulmans, ravagée par un premier séisme en 950, reconstruite reconquise en 962 par les grecs, investie au milieu du XIe par les Arméniens. Une histoire certaine, car écrite, inclut la ville dans les conquêtes de Philarète, puis dans celle de Gogh Vasil qui la reprend aux Turcs. Il en en fait sa seconde cité avec K’ésoun à quelques kilomètres vers le nord. Gogh parvient à maintenir son territoire hors des turbulences, les Artoukides et les Francs rôdent. Les affaires se gâtent en 1112 lors d’une énième bagarre arméno-normande, Tancrède s’empare de Rapan avec d’autres places, Vasil réplique. Cette fois le conflit se négocie proprement, chacun repart en libérant les villes. En 1114, la terre tremble à nouveau dans l’Euphratèse, la plupart des cités sont plus ou moins affectées, Marash est entièrement démolie, du côté de l’Euphrate les dégâts sont moins conséquents. Le pouvoir arménien, entre les mains des successeurs de Gogh Vasil depuis deux années vacille, sa femme dans un premier temps, puis son fils (adoptif) se font écarter par les Croisés d’Edesse qui briguaient le terrain depuis leur arrivée. Premier siège en 1115 et prise de la ville en 1116. Retour des musulmans avec les Mamelouks de Nour el Din en 1150, pendant de longues années les Artoukides administrent toute la contrée. Derniers soubresauts lorsque passent les Mongols qui déstabilisent l’équilibre en favorisant un retour momentané des Arméniens. Aujourd’hui, Rapan est un bourg avec des habitations de guingois accrochées au flanc Sud du tell, des enfants en uniforme bleu cavalent, rigolards, dans les rues. R.C
P’arzman Tchingifé Yavuzeli 2012 Turquie (Euphratèse)
Publié par R C le septembre 29, 2013
Pour l’histoire, vous pourrez vous référer à mes écrits sur Besni et K’esoun. P’arzman appartient à la même ligne de fortifications des rives ouest de l’Euphrate. Yavuzeli, l’appellation contemporaine, se situe à 35 km au nord de Gaziantep, la position géographique justifiait l’édification d’une citadelle. Sur un tell elliptique, elle surplombait du haut de ses 15 m une plaine fertile dans laquelle coule le Merzmen tchay, un affluent de l’Euphrate. Il s’agit également de la dernière halte sur ce premier plateau avant la passe Karadag à 955 m, depuis Gaziantep la voie est toujours la 850 qui mène à Adiyaman en passant par Araban et Besni. Vers 1070, la cité est annexée à l’Euphrathèse de Philarète puis conquise ensuite par Gogh Vasil, les Syriens Jacobites restent en place. Les Francs l’occupent vers 1114, Vasil le Vieux tentera bien de la leur reprendre vers 1146 mais il s’y casse les dents, entrainant dans sa débâcle le decès d’un grand nombre de soldats arméniens. Au cours du XIIIe siècle P’arzman redevient Arménienne, les Mongols l’ont occupée eux aussi. Un généreux brassage où le pouvoir passe de mains en mains quand la population locale demeure, accumulant comme des strates la plupart des confessions religieuses. Le bourg de Yavuzeli ne déclenche aucune passion et l’ascension du tertre n’apporte rien de plus, hormis l’aperçu de la plaine irriguée et la route vers le nord. Peu de vestiges, quelques murs et infrastructures de soutènement attestent d’une occupation assez ancienne, les ruines des habitations accrochées au flanc sud datent d’une période relativement récente. La récupération avec le réemploi des matériaux s’est faite naturellement. Le basalte qui constitue les soutènements visibles de la construction antique ou moyenâgeuse se réincarne dans la composition des habitations dont certaines conservent leur toiture terrasse en paille et en boue séchée. La butte pelée donne l’apparence d’un terrain vague, l’éminence est couronnée d’antennes, le point le plus haut conserve toujours sa prééminence. R.C
Keysoun Cakirnöyük 2012 Turquie (Euphratèse)
Publié par R C le septembre 29, 2013
Route 850 de Gaziantep vers Adiyaman, après Tetirli bifurquez vers l’est, roulez 10 km au moins. Après avoir lu ce texte vous ne pourrez pas être déçus. La pauvre simplicité, l’abandon, l’oubli, la solitude, même pas de ruines, seulement quelques gros blocs de pierres taillées qui délimitent un enclos ou servent à accrocher des vaches. Combien de capitales ont disparu, sans mention sur les cartes, oubliées de mémoire d’homme, quand d’autres demeurent par leurs ruines, en perdition ou magnifiées. Deux sources abondent à la splendeur et à la grandeur d’un lieu, la force ou les sentiments qui en émanent et la propension à s’enrichir de son environnement. A Keysoun, à présent Cakirnöyük, il n’y a rien qu’un pauvre village au milieu des champs, le relief est faible, une simple bosse de 8 mètres de haut domine très légèrement les maisons. A l’écart, la keysoun tchay s’écoule laborieusement vers l’Euphrate en contournant l’agglomération. Difficile de croire à une position stratégique aujourd’hui, d’autant que la route principale passe à plus de 10 km. Les chemins changent au gré du temps et des mutations économiques, rien n’est plus simple pour asphyxier une ville que de l’en détourner des voies commerciales. Avant l’an mil et jusqu’au XIIIe siècle, Keysoun, Besni, Rapan, Hromgla, sur la rive ouest de l’Euphrate, constituaient une ligne de villes fortifiées dont l’intérêt stratégique s’est développé progressivement avec les incursions puis l’installation des Turcs aux dépends des Byzantins.
Depuis le VIe siècle des chrétiens Syriaque Jacobite s’étaient installés-là, rejoints par des colonies arméniennes poussées vers l’ouest par l’avancée des musulmans. L’affaire arrangeait bien les Grecs, de même confession ils déléguaient à ces nouveaux venus la défense des marches de leur empire finissant. Vers 1070, Philarète, un lieutenant arménien des forces byzantines, fait sécession en tentant de restaurer l’ancienne Comagène, en un peu moins de 20 années il agglomère sous sa tutelle un territoire qui va de Maras à l’ouest, aux rives de l’Euphrate à l’est, vers nord à Mélitène et au sud jusqu’en Syrie. Un peu débordé, il perd Keysoun ainsi que Rapan et Besni au profit des Turcs en 1085, lorsqu’il disparaît en 1090 apparaît Gogh Vasil, ancien officier arménien des troupes grecques. Accompagné de son frère Bagrat, il reconquière tout le territoire en établissant sa capitale à Keysoun. Homme de pouvoir bien avisé, il y fait venir toute sa cour, offrant de surcroit une résidence au catholicos qui s’installe dans un ancien monastère jacobite, qu’il aurait pris soin de piller au préalable. Sa réputation de brigand provient du grand nombre de monastères Syriaques qu’il aurait vidé de ses occupants pour y implanter de bons Arméniens. Un comportement qui lui vaut de se battre avec Godefroy de Bouillon en 1098. Jusqu’en 1114 ce territoire appelé aussi Euphratèse domine toutes les colonies arméniennes, le royaume arménien de Cilicie ne verra le jour qu’en 1151, lors de la chute du comté d’Edesse et des invasions Mamelouk. La zone est une poudrière, y cohabitent des Francs, des Normands, des Syriaques, des Turcs, des Byzantins et des Arméniens. Le grand séisme de 1114 ruine et déstabilise toute la région, Gogh Vasil est mort deux années auparavant, les Francs Normands d’Edesse annexent le maximum du territoire. Un empoisonnement de K’ourdik à Besni et l’éviction du fils adoptif de Gogh leurs ouvrent les portes de Keysoun. La ville a peu souffert du tremblement de terre, les chroniqueurs citent des hauts palais à étages ainsi que des remparts toujours en état, seules deux églises sont tombées, elles seront reconstruites. Ces dernières informations donnent un aperçu de la richesse du lieu au début du XIIe, la comparaison avec le village que j’ai parcouru en 10 mn donne le ton. Sous le règne de Gogh Vasil les fortifications datant du IXe sont toujours en terre crues. Elles ne sont relevées en blocs de pierre, ceux qui maintiennent les vaches aujourd’hui, qu’à partir de 1145, mais restent inachevées jusqu’à la prise de la ville par Massoud en 1149. Pourtant Keysoun a résisté victorieusement à plusieurs sièges en 1107 et 1108 contre les Seljoukides, en repoussant Tancrède d’Antioche en 1112. Au calme relatif de la période arménienne succède le trouble sous la domination franque, avec un rythme soutenu d’invasions de changement de mains. La cité demeure très convoitée, 1116 Baudouin comte d’Edesse puis roi de Jérusalem vire Vasil Tegha, successeur de Gogh. 1124 Geoffroy le Moine est le seigneur de Keysoun, retour des Turcs en 1136, siège et pillage de la contrée. 1140 la population est évacuée, les Artoukides incendie la ville ancienne, le retour des Francs avec Baudouin de Maras début de la reconstruction en pierre en 1145, Renaud succède à son frère, les amis de Nour al Din prennent la ville en 1149, le comté de Maras disparaît définitivement, les Artoukides administrent la région. Dernier sursaut franc, keysoun est repris en 1150, suivent des atermoiements et de la cohabitation, la cité perd son influence, le Catholicos s’installe à Hromgla mieux défendu, il migrera vers Sis en 1290 lors de l’annexion Mamelouk. R.C
Nemrut Dag Yeni Kale 2008 Turquie
Publié par R C le décembre 16, 2011
Une ruine magnifique au bord d’une falaise, un peu occultée par la richesse des sites qui l’environnent. En redescendant du mont Nemrut, tout ce que vous pourrez voir ensuite semblera plus fade. Cette sensation nous l’avons tous ressentie ; persistance mêlée d’images, d’odeurs, de chaleur, d’une texture de pierre, de la couleur d’un instant qui demeure plusieurs jours après la visite remarquable. La vallée de Petra m’avait laissé une sensation similaire.
Le Mont culmine à 2150 m, il s’aperçoit à des dizaines de kilomètres, sa fondation est contemporaine de l’occupation romaine, proche de l’an zéro. Une chambre mortuaire sous un tumulus de 75 m abriterait la dépouille d’un roitelet de Commagène, reposant ainsi au plus près des cieux il consacrait son immortalité. L’œuvre est titanesque, des statues de plusieurs mètres de haut dans un style mi hellénique mi perse sont dressées face à un paysage infini baigné d’Euphrate, depuis les terrasses la vue est à 360°. A la meilleure saison, du matin au soir, des centaines de pèlerins touristes suivent le soleil sur les modénatures. Rite retrouvé, comme à la belle époque du culte d’Antiochos, qui néanmoins se retrouve bien seul quand survient la nuit glaciale. En redescendant, vers le sud-ouest, depuis la route du parc deux éperons se distinguent du relief : sur celui de droite vous apercevrez des ouvertures régulières percées dans la paroi. Elles éclairent une vaste salle taillée dans la roche, seuls témoins visibles du site millénaire d’Eski Kale, la résidence cultuelle d’Antiochos 1er , le maître du tumulus. La colline lui est dédiée, parsemée de vestiges où des stèles remarquables, elles le mettent en scène tutoyant les divinités, toujours dans la célébration. En face, sur l’éminence épousant les mouvements géologiques, vous distinguerez une dentelle de murs. Au plus proche, quelques édicules accrochés à 100 m de verticalité rocheuse relient un point d’eau à la muraille tout en haut. La Nymphe coule, les petites constructions servaient d’abris relais à un long escalier qui permettait le ravitaillement en eau, il existerait un passage souterrain entre les collines des 2 sites (Eski et Yeni). L’accès au château s’effectue par le côté Nord-ouest, il suffit de contourner l’éperon afin de se rendre au village, durant le trajet vous allez pouvoir admirer toute la spectaculaire façade ouest qui s’étire sur la crête. L’entrée en souricière pour la première enceinte évoque le travail des Arméniens, pourtant ces derniers n’ont jamais colonisé le site, nous sommes loin de la Cilicie. Les beaux restes que nous contemplons appartiennent au XVe, époque des Mamelouks qui gardent l’Anatolie pendant un bon siècle avant la domination définitive des Ottomans. L’implantation originelle daterait du site du règne d’Antiochos, au XIIe un bref passage des Francs du comté d’Edesse est consigné, certainement l’une de leurs plus lointaines incursions vers le nord. La visite n’est pas libre un guide caissier indigène semble ouvrir la porte au gré de ses humeurs, si tu parviens à pénétrer, il te suivra et guidera fissa tes pas. Le site garde tous ses murs, plutôt chancelants, leur faible épaisseur n’y est pas indifférente. La partie basse est construite en grosses pierres parfaitement taillées et assemblées, ce type de maçonnerie est plus ancien, XIIIe siècle. Les superstructures de ce qui suggère un palais, en partie haute, ne relèvent pas de la même qualité de construction, appareil plus incertain, et moellons de plus petite taille. La forteresse abritait toutes les fonctionnalités d’une ville : mosquée, citernes, bazar, place de marché, prison évidemment… L’emprise est importante et les vestiges s’étagent au moins sur trois niveaux visibles, il subsiste également des espaces en sous-sol. Une ruine en plein devenir, le site ne semble pas avoir été déblayé, les équilibres ne manquent pas, chaque année doit constater son lot de chutes de pierres. Imbrications, assemblages et confrontations de style ou d’époque offrent un cheminement varié dans un environnement minéral, pour une fois la végétation n’occulte pas le champ de vision. Dans la partie basse, de belles salles voûtées en ogive ou sexpartite, toujours en bon état, émergent de la gigantesque ruine, les murs de l’enceinte en appareil à bossage sont percés d’archères et supportent encore de belles bretèches. L’intérêt stratégique du lieu est difficile à cerner, partie intégrante du système défensif de l’accès au mont Nemrut à l’époque de la Comagène, il est le seul à avoir été remanié. Les autres sites, non réoccupés, ont conservé leur empreinte romaine. R.C.
Tumlu 2008 Turquie (Cilicie)
Publié par R C le novembre 8, 2011
Trouvez Tumlu est aisé y pénétrer l’est beaucoup moins. Au milieu de la plaine, entre Osmanye et Kozan en intervisbilté d’Anavarza, de Yilan, de Sis évidemment et d’Amuda, le château est planté sur le mamelon d’une colline à 155 m d’altitude. Tu pourrais te dire : chic, pour une fois, je fais le tour en auto, la marche d’approche dans la pierraille dure à peine un quart d’heure, l’accès principal est parfaitement localisé. Au pied du mur la donne change, un petit passage délicat pour accéder à ce qui s’apparente à une barbacane, une fois franchie c’est le vide, un ouvrage en bois vraisemblablement mobile protégeait le véritable accès. Second essai, redescendre puis contourner l’éperon supportant l’ouvrage avancé, puis tenter d’escalader la paroi, l’exercice est périlleux d’autant que des blocs de maçonnerie en surplomb ne tiennent qu’à un fil. Au visionnement des photographies d’Edwards ils étaient déjà en suspens 30 ans auparavant. Echec, pourtant l’accès se trouve là, tout au-dessus, une véritable porte dans le style arménien couverte par une voûte en ogive. Le corridor passé, s’ouvre la cour à droite, à gauche vers le sud l’espace est plus réduit, d’autant que les constructions s’élèvent sur deux niveaux. Une disposition analogue à celle de Tamrut, lorsque tout le bâti est accolé aux courtines. Le principal du château est l’œuvre des Arméniens, toutefois les mamlouks l’ont largement occupé et aménagé. L’histoire n’est pas connue, Tumlu est un fort de garnison sur une voie annexe Nord-Sud, son relatif bon état de conservation résulte d’une difficulté reconnue d’accès à l’intérieur du site, conjuguée à une occupation tardive comme à Yilan. Au registre des curiosités, il subsiste plusieurs rangs de meurtrières sur les côtés Est et Ouest, une belle citerne en brique au milieu de la cour et quelques ouvertures complètes avec leurs voussoirs ou linteaux. In fine, l’accès le moins difficile se trouve au pied d’une tour de la face Sud-Ouest, à l’opposé de l’entrée officielle. La petite poterne est assez visible, l’approche en escalade est exposée en cas de chute, les aplombs autour du site varient entre 20 et 40 m. Une fois parvenu à l’intérieur, tu ne regretteras pas les risques encourus, la ruine est spectaculaire, essentiellement par son état de conservation, corrélativement au degré d’oubli dont semblent jouir le château et son minuscule village en dessous. Position : lat. 37° 09 254 N, long. 35° 42 268 E. R.C.
Ayas 2008 Turquie (Cilicie)
Publié par R C le octobre 7, 2011
Escale divertissante, le petit port d’Ayas rompt avec l’austérité des forts de montagne. Dommage, le château de la terre n’est pas d’un grand intérêt, et celui de la mer est en cours de réfection. La visite ou le séjour doit s’accompagner d’une baignade ou d’une brochette dans l’un des caboulots du port, depuis lequel vous pourrez vous ravir de la vue sur les murailles dépenaillées. Sur la terre, il n’est qu’une enceinte qui cerne une avancée vers l’eau. Quatre tours flanquantes, en fer à cheval, dont la plus éminente, sur trois niveaux voûtés, domine l’anse du port. Le site est construit sur les vestiges de l’antique Aegae, de nombreux éléments engagés dans les murs témoignent. Paradoxalement, ce réemploi ne serrait pas seulement attribuable aux Arméniens, grands spécialistes de cette technique, mais plutôt aux Egyptiens (Mamlouks) qui récupèrent Ayas dès 1337. L’intérêt stratégique du site n’a pas été partagé par tous, de longues périodes de désuétude justifient l’état de la construction aujourd’hui. La façade sur le port, avec sa tour polygonale très abîmée, est imbriquée dans des constructions elles aussi en ruine. La saleté règne, contraste immédiat avec la partie Nord où une mosquée pimpante occupe le terre-plein central, les parties adjacentes de la muraille semblent en avoir profité. Cette remarque vaut pour de nombreux villages turcs où les abords de l’établissement cultuel rutilent, se heurtant à la rusticité moyenâgeuse de l’environnement rural. Sous l’occupation arménienne la ville connaît une période commerciale florissante de 1260 à 1340, surtout après la chute d’Antioche puis d’Acre en 1291. La place est vitale, via Chypre les flux de l’orient vers l’occident transitent par le port d’Ayas qui répond directement au roi, et non au seigneur régnant sur la province. Les Génois s’enrichissent en contrôlant la plupart des échanges commerciaux. L’occupation Mongols stabilise la région, la situation devient encore plus profitable à tous. Plusieurs attaques Mamlouk sont régulièrement repoussées, au moins sept en 60 ans. C’est à la fin de ce XIIIe mouvementé que le château de mer est bâti, ce qui n’empêche pas à la ville de brûler en 1322. Elle demeure dans le giron de l’empire puisque le pape finance les travaux de reconstruction, le naïf abusé croyait encore au rétablissement des Croisés en Palestine. Après la conquête Egyptienne, l’ensemble sombre doucement faute d’une utilité stratégique, Ayas reste un petit port de pêcheurs. Au milieu du XVIe Soliman le Magnifique restaure les deux châteaux et y abrite une partie de sa flotte. Ayas sert également de port de débarquement pour des voyageurs vers l’orient, Marco Polo s’y est arrêté. Le fort de la mer, que je n’ai pu visiter, occupe une petite île à 400 m au large. A son extrémité Nord, une vaste salle ronde était couverte d’une seule voûte en rotonde, trois autres salles sont agrégées dans un bloc de construction dont les parois vers le large font plus de 6 m d’épaisseur.
Les vestiges du bel appareil que nous voyons aujourd’hui appartiennent à la période ottomane, beaux blocs jointifs, aspect lissé des façades, variation chromatique dans l’utilisation de la pierre, rarement un travail d’Arménien. R.C.
Saimbeyli 2008 Turquie (Cilicie)
Publié par R C le août 25, 2011
Un dernier poste avant de gagner le plateau anatolien, après Feke et Vahga, la vallée s’étire encore pendant 40 km. A 1100 m, la ruine domine une petite ville aux rues en pente où l’étranger est rare, et les invitations à boire un thé sont fréquentes. Mon propos n’est pas de m’étendre sur l’hospitalité de la population turque, ce faisant nous reconnaîtrons que les propositions de collation sont régulières, un seul frein à l’affaire : la pratique de la langue, l’échange se borne à quelques sourires. L’accès au château débute tout au nord du bourg par une rue qui grimpe rapidement sur la crête, il suffit de progresser sur l’arête, puis de stationner devant les deux tours massives de l’entée. Derniers vestiges toujours en élévation, passée la porte, seuls des soubassements s’étalent sur la petite plateforme. Depuis la vallée le site semblait bien plus ambitieux. La fondation de l’édifice reviendrait aux Arméniens, il commandait une voie commerciale importante Sud Nord qui relie la plaine de Cilicie à l’Anatolie, voire jusqu’à Trébizonde. Le fort est bâti sur une éminence à la confluence de deux torrents. C’est un ouvrage de garnison dont l’emprise se contente de la petitesse du rocher qui le supporte. Dans la tradition, l’appareil est en bons gros moellons à bossage bien assemblés. Sur le flanc ouest, côté ville, un pan de mur percé d’élégantes ouvertures se maintient debout en dépit de son étroitesse. Ces vestiges du XVe avec d’autres en contrebas constituaient les bâtiments conventuels du monastère qui occupa le château. La vallée comptait plusieurs implantations arméniennes, jusqu’en 1920 une colonie de plus de 12 000 âmes y vivait. Sur l’éperon, c’est un peu décevant, hormis la façade de l’entrée au nord, tout est arasé. Imagine un mur d’enceinte à 9 m, la hauteur des tours, des constructions sur la périphérie, l’œil exercé décèlera sur le flanc Est la chapelle typiquement arménienne : abside, cul-de-four, micro nef voûtée en plein cintre. Il subsiste, en relativement bon état, une citerne semi enterrée, enduit et voûte sont toujours là, sur le terre-plein qui termine le rocher quelques tombes taillées dans la pierre, elles dateraient de l’occupation monastique. La cour aurait été reconvertie en cloître. L’examen des deux tours de l’entrée est sans surprise, un plan en fer à cheval, leur similarité est évidente : deux niveaux voûtés, au rez-de-chaussée, une petite salle fermée avec des traces d’enduit sur les murs, à l’étage la tour est ouverte à la gorge, il est imaginable qu’un chemin de ronde en bois ait existé, les enfoncements de poutres dans le mur le confirme. Seules les ouvertures diffèrent : trois dans l’une, et une seule dans l’autre qui assure un tir de flanquement, quand les trois autres maintenaient à distance l’ennemi envahisseur, finalement une disposition rationnelle à condition d’avoir un homme dans chaque tour. Position : lat. 37° 59 150 N, long. 36° 05 519 E. R.C.
Savranda 2008 Turquie (Cilicie)
Publié par R C le juillet 29, 2011
Un gros poste frontière pour les Croisés sur la route d’Antioche. Dans la montagne, la passe de l’Amanus depuis Cardak vers Fevzipasa méritait plusieurs relais, Savranda ou Servantikar en était le pivot, la tour d’Hasambeyli et Karafrenk des appuis défensifs. La forteresse pouvait héberger des groupes de passagers et une garnison importante. Un véritable verrou incontournable qui a supporté quelques revirements de propriété. Avant les Croisés, une occupation des Byzantins est évoquée vers 1069, au XIIe c’est une partie tournante entre les Francs, les Arméniens et les Byzantins, les Mamluks n’arriveront qu’au siècle suivant, trois années avant le gros tremblement de terre de 1270. Le château quittera définitivement le giron chrétien en 1337. En 1271, un traité d’importance est conclu à Savranda entre les Arméniens et les chevaliers Teutoniques, ces derniers récupèrent tout le flanc Est de la passe d’Amanus. Il leur est alloué l’autorisation d’élever une tour, il se pourrait que ce soit à Karafrenk, Hasambeyli est également mentionné. Revenons en 1135, Leon Ie d’Arménie conquiert la Cilicie en occupant Adana, Tarsus et Servantikar. Revers, les Francs le récupèrent, la principauté d’Antioche affirme encore son hégémonie. C’est à la toute fin du XIIe que les Arméniens s’installent pour plus de cent ans, il y aura quelques bagarres fameuses aux pieds du château, en 1266 puis en 76 avec la participation des troupes égyptiennes de Baybars, le tombeur des Templiers. Cette longue et tumultueuse occupation laissera du temps pour consolider et parfaire les bases byzantines du fort. A l’inventaire des constructeurs arméniens, l’entrée couverte, en souricière, typique de leurs systèmes de défense, la chapelle en saillie sur la courtine Est, et surtout toute la proue Sud. Isolé de l’ensemble, ce châtelet à l’extrême de l’éperon domine toute la forteresse et se dresse au-dessus de la forêt. Un à-pic de 150 m, sensation d’avancer parce que le vent y souffle plus fortement, tu ressens toute la puissance. L’emprise du fort est vaste, son enceinte borde toutes les parois du rocher, altitude 580 m, des pins et du maquis recouvrent toute la surface, néanmoins les principales élévations sont toujours visibles. Vous trouverez des citernes au milieu du site, en léger contrebas, à proximité du mur qui isolait la partie Sud. En principal, la face Est comprenait la plupart des bâtiments et le système défensif, les autres côtés bénéficiaient naturellement de l’aplomb des falaises. A l’extrémité Nord-Ouest, dissimulée sous la végétation, il reste en bon état un petit ouvrage qui abritait une salle couverte d’une voûte en ogive, a demie enterrée la porte se situe à sur la face Ouest. Bizarrement, vous remarquerez en gravissant le toit en terrasse, que les parois, déjà épaisses, étaient chemisées. Nul ne risque de se perdre dans la quête de Savranda, si vous venez de Cardak prenez la direction de Kaypak, immanquablement vous verrez le château, quatre kilomètres avant le village. Depuis Hasambeyli, vous aurez à choisir entre la route principale vers Osmanye, ou à la sortie du bourg une route file vers le sud-ouest, le kilométrage sera plus court mais les chances de se perdre plus grandes, demander son chemin, toujours vers Kaypak. L’accès au château est très facile environ 10 mn, une piste longe la muraille Est puis se commue en sentier, profite et admire la qualité de la maçonnerie.A présent, Savranda domine un lac et son barrage, ces aménagements ne semblent pas avoir affecté la structure et le panorama, une chance si nous imaginons la disparition de Kum, sous les eaux. Position : lat. 37° 08 998 N, long. 36° 27 309 E R.C.
Sis – Kozan 2008 Turquie (Clicie)
Publié par R C le juin 26, 2011
L’ancienne capitale du royaume arménien de Cilicie se gardait fièrement une vaste citadelle et de vieux faubourgs accrochés au flanc Est de sa colline, la ville nouvelle s’étend vers le nord. L’enceinte qui serpente et s’étire sur toute la longueur de l’éperon semble en parfait état, à tel point que tu imagines un guichet avec un juteux visitor center au pied du mur. Nous avons parcouru l’ensemble du site sans croiser un chenapan ou un guide vendeur de monnaie romaine. L’implantation est hautement stratégique ; Kozan c’est la bordure Nord de la plaine juste avant les premiers escarpements du Taurus, à la convergence de plusieurs vallées et de leurs routes qui descendent du nord. Enfin, l’éperon au milieu de l’étendue agraire se défend tout seul, falaises abruptes et isolement total, le spot de défense et de commandement par excellence pour des dizaines de kilomètres à la ronde. L’intervisibilité est parfaite jusqu’à Anavarza (25 km) l’ancienne capitale jusqu’en 1180, plus au loin Tumlu (37 km) et encore au sud Yilan (50 km). L’occupation du site est ancienne, d’abord une petite colonie grecque qui repousse les premières cohortes d’Arabes, au IXe les occupants chrétiens sont délogés, installation des Abbassides. Dans la seconde partie du Xe les Byzantins reprennent la ville, période d’absence de 150 ans sans heurts majeurs jusqu’à l’arrivée des Rubéniens ou Roupenides (Anavarza, Vahga, Geben), avec plusieurs atermoiements et un tremblement de terre au tout début du XIIe. La domination et la reconstruction arménienne dateraient des années 70, l’accalmie est courte car les Mamlouks ne cessent de harceler la ville, cela dure jusqu’à la fin du royaume en 1375. Léon de Lusignan, dernier roi plutôt fantoche, est emprisonné au Caire. Les Arméniens demeurent, le Catholicossal installé depuis 1292, après la chute de Hromgla, se maintient avec un patriarche jusqu’en 1873. La construction relève de l’éclectisme, elle a joui des Romains, des Arabes, des Byzantins, des Arméniens et des Mamluks. A l’actif de ces derniers : toute la porterie, la partie extrême du donjon ainsi que la grosse tour qui fait face à l’entrée. Avant le XVe, l’on pénétrait directement par une ouverture dans la courtine, comme dans beaucoup de sites. Le majestueux hall d’entrée évoque celui de Vahga. Dans l’enceinte c’est toujours le chaos, les constructions répandues sur les trois Kilomètres de l’éperon sont autant en sous-sol qu’en élévation. L’inventaire de l’ensemble serait fastidieux pour le lecteur, contentons nous des principaux spots remarquables par leurs dimensions et leurs positions. Deux citernes enterrées en semi excavation, couvertes de doubles nefs, cavités lugubres à la profondeur exagérément abyssale lorsque tu y descends seul. Autour du donjon sud, enchevêtrement d’espaces qui s’achève avec la salle d’apparat à la vue panoramique depuis ses immenses ouvertures en arc d’ogive. Belles constructions à l’affectation difficile, succession de salles desservies par plusieurs escaliers. Cacophonie qui épouse quand même les formes du rocher, toujours le contraste entre la qualité des constructions et la pauvreté des liens qui les unissent. Aucune circulation évidente ou tracée, la végétation a largement investi la colline, tu découvres les bâtiments en flânant sur les maigres sentiers. Une promenade exhaustive occupe quatre à cinq heures, prenez garde aux abrupts. Descendez dans la ville au pied du rocher, il y reste un grand nombre de vieilles demeures ottomanes. Ambiance commerciale placide, succession des petites échoppes salons de coiffure, quincailleries et boucheries s’intercalent dans où l’intervisibilté permet à chaque tenancier, en attente de clients, de demeurer au chaud dans le café où l’on ne sert que du thé. Position : lat. 37° 08 998 N, long. 36° 27 309 E. R.C
Gokveglioglu 2008 Turquie (Cilicie)
Publié par R C le mai 17, 2011
Chaque visite se mue en une nouvelle aventure, allons nous le repérer facilement, pourrons-nous y accéder en moins d’une heure sans trop risquer notre peau ? La route descend plein sud en direction de Cemlik, depuis le pont romain de Misis il y a 15 km. Un éperon s’avance sur les contreforts d’un petit massif montagneux, la vue sur la forteresse est dégagée, elle domine une vaste pleine fertile irriguée par la Cehyan. Depuis son promontoire, elle contrôle la piste qui mène à Ayas et l’accès à la mer. Ne vous fiez pas à la porte de l’enceinte basse que vous apercevrez à l’extrémité Sud du flan Est, c’est un faux ami qui ne vous mènera qu’aux deux terrasses Sud. L’accès à la plateforme sommitale du fort est au nord, et rien ne le laisse le présager au pied de l’éperon. L’aventure du front Sud est pimentée, l’arrivée à la poterne est relativement aisée, première esplanade cernée d’un mur qui se déploie jusqu’à un amoncellement rocheux. Première curiosité, une tour bâtie autour d’un bloc rocheux, ouvrage de surveillance avancée ou leurre, afin de détourner l’ennemi de l’accès principal ? Nous avons été bernés comme beaucoup d’autres par ce dispositif, notre témérité nous a d’ailleurs fait gravir l’escalier qui mène à la terrasse supérieure. Un exercice périlleux, car les marches sont taillées assez grossièrement à flanc de falaise, quelques passages sont rendus délicats par la végétation, des oliviers sauvages poussent accrochés à la paroi. Parvenu à ce degré, hormis les vestiges d’une tour et une superbe vue sur une plaine remembrée, ne cherche pas d’autre accès à la plateforme supérieure. Finalement, l’arrivée au château peut se faire assez rapidement en empruntant les sentiers des ruminants qui mènent au plateau Nord, de surcroît tu chemines face au plus beau côté : trois tours, des courtines encore très hautes et la grosse tour de l’angle Nord-est nantie d’un beau glacis. Il faut longer la muraille pour parvenir à ce qu’il reste de la porte, toute la face extérieure a disparu, en revanche l’intérieur demeure : une très belle enfilade de salles voûtées sur plusieurs niveaux décalés suivant la déclivité. Il semble que seule cette face Nord ait été lotie, elle défendait l’unique accès à l’éperon, le dénuement venté du plateau se conjugue avec la grandeur monacale des austères voûtes ogivales. Partout ailleurs le regard file, les murs sont inutiles, tout autour il n’y a que des falaises, quelques bribes de soutènements émergent. Sur le plus haut point du plateau un long bâtiment servait de citerne, sa partie Nord constituée de trois petites chambres est byzantine, les Arméniens l’ont prolongé par une grande salle au sud. Le petit édicule un peu plus au sud serait également une citerne. Plusieurs campagnes sont visibles dans l’élévation des bâtiments, le pavillon de la porterie illustrerait cette thèse. Ses deux niveaux d’entrée, attribués à l’occupation arménienne, sont de deux époques différentes, en attestent les appareils. Dispositions identiques pour la succession des salles voûtées qui s’étire sur 40 m jusqu’à la tour Est, massive et pleine, tout repose sur elle. Les fondements de l’édifice seraient byzantins, la situation est idéale et extraordinaire, panorama circulaire, supervision sur la plaine de la Cehyan, défenses naturelles sur presque toute la périphérie, enfin la beauté du site quand la roche restitue les couleurs du couchant. Logiquement les Romains auraient pu nantir l’espace, à mi-chemin de Payas et Misis, le spot est incontournable, pourtant nulles traces de réemploi de matériaux dans l’édification. Position appro. : lat. 36° 50 N, long. 35° 37 E. R.C
Amuda 2008 Turquie (Cilicie)
Publié par R C le avril 6, 2011
Un petit fort pour se mettre en jambes, parfaitement visible, fléché, identifié sur les cartes, la route passe à ses pieds et l’ascension s’effectue en 10 mn. Pas de miracle sur le rocher, les vestiges sont largement fréquentés et leur intérêt assez faible. La tour comportait quatre niveaux, la seule porte est au nord à un mètre cinquante de la base du rocher. A l’intérieur la disposition est étrange, en demi étage inférieur un espace confiné occupe plus de la moitié de la salle, probablement une citerne. Dans l’angle Nord-est, reliant l’une des parois de la citerne, un muret délimitait un petit espace clos, certains y verraient bien une seconde réserve d’eau, pourquoi pas un silo de stockage ? Le troisième niveau dont il ne subsiste plus que la face Nord-Est jouissait d’une vue imprenable sur l’ensemble de la cour, deux ouvertures demeurent toujours, un petit escalier pris dans l’épaisseur du mur le distribuait. Un dernier niveau en terrasse, bénéficiait d’un hourd, quelques beaux corbeaux surplombent toujours la porte d’entrée du donjon. J’emploie ce terme à dessein car il s’agit d’un bâtiment autonome dans l’enceinte du château. Il possédait son propre système défensif avec le hourd et les merlons du couronnement, ses espaces d’habitation sur deux étages, du stockage en eau et nourriture. Un dispositif rare dans la région où la majorité des forts n’a pas de tour dominante. La situation d’Amuda sur la route Sud-Nord de Kadirli à Goksun puis en direction de l’est, son implantation sur un rocher isolé au milieu d’une plaine fertile bien irriguée, rendent le spot convoitable. Le site a certainement été occupé assez tôt, par les Hittites puis par les Byzantins et les Arméniens qui cédèrent la place aux Chevaliers Teutonique. Au début du XIIIe vient au pouvoir le jeune roi Arménien Raymond-Roupen, intronisé par Othon IV, il souhaita faire un geste envers ses nouveaux protecteurs Allemands. 1266, épisode douloureux selon certaines chroniques moyenâgeuses, lorsque le fameux Baybars se pointe ici avec ses Mamelouks il a déjà raflé la plupart des forteresses franques dont le Krac. Les indigènes, plus de 2000, se seraient réfugiés dans l’enceinte et les cavernes qui minent le rocher. 40 mètres sur 70, c’est petit pour toute cette foule. Maintenant le village d’Hemite compte à peine 500 personnes. Finalement l’affaire s’est mal terminée pour les ruraux, les hommes furent liquidés quand femmes et enfants allèrent visiter le Caire… Toutes ces occupations successives se repèrent dans la construction, notamment l’aménagement du donjon qui correspond assez bien au standard germanique, l’Alsace n’est pas si lointaine. Hormis la tour, les vestiges sont assez abîmés, à l’extrémité Nord-Ouest le saillant s’élevait encore à plus de sept mètres en 1939 (Hellenkemper), le fragment d’arche au milieu de la cour est difficilement attribuable, sans doute un casernement comme à Silifke. Pour se rendre à Hemite, depuis Osmanye roule en direction de Kadirli, le château est parfaitement visible. A la première intersection après avoir aperçu le site, tourne à droite, franchis le canal, traverse le village, stationne au pied du rocher puis grimpe en empruntant un chemin, facile. Position : lat. 37° 14 N, long. 36° 05 E. R.C.
Payas 2008 Turquie (Cilicie)
Publié par R C le mars 1, 2011
Loin des forêts perdues, des sommets abandonnés, des pistes boueuses, de pierriers ou d’amas de blocs instables, Le fortin de Payas présente bien. Etat de conservation parfait, vue sur mer, plage de sable gris, pieds quasi dans l’eau. Superbe carte postale, bien proportionné avec sa petite enceinte et la masse de sa grosse tour carrée. Conceptuellement de l’arménien, mais construit dans le dernier quart du XVIe par les Ottomans, l’ouvrage défendait le port, de plaisance aujourd’hui. Quadrilatère flanqué de trois tourelles d’angle et surmonté de la tour dans l’angle Nord-Est, une entrée de style ottoman en souricière, un appareil de construction en très gros bloc à l’arménienne. L’association des tourelles pleines et le type de construction rappellent Sinap et Anacik. La tour occupe plus du quart de la superficie du site, sur trois niveaux. Au rez-de-chaussée, une salle aveugle couverte par une voûte quadripartite, seule une petite porte en donne l’accès. Au second, par un escalier extérieur rampant sur la courtine, une magnifique salle organisée autour d’un espace couvert d’une croisée d’ogive, La lumière y pénètre de toutes parts, les ouvertures alternent leurs embrasures de tir, intérieures pour les archères, extérieures plutôt pour des bouches à feu. Au troisième niveau, une tour polygonale est dédiée au guet vers la mer. La visite est rapide, d’autant que le site de Payas est riche. Il existe à quelques centaines de mètres un grand château qui défendait un complexe cultuel, mosquée, médersa, et surtout l’un des plus vastes caravansérails du monde ottoman. Ces deux sites sont ouverts à des conditions ignorées, hélas, Le château est également un grand quadrilatère, avec un rempart protégé par un boulevard et de grandes douves sèches entièrement maçonnées. L’ensemble a subi des travaux de restauration, la basse-cour est totalement vide, à l’exception d’une bâtisse en ruine sans intérêt. Sur la périphérie, un châtelet protégeait l’unique entrée. tours rondes et carrées alternent avec une dominante plus massive très en saillie sur le mur Ouest. Un ensemble dénué de charme, il transpire l’ennui. Le caravansérail, dans un état remarquable est impressionnant de taille et de silence. La préservation de l’attribution de ses espaces est conforme à l’origine. L’endroit semble avoir été utilisé jusqu’à une date récente, la lugubre galerie du bazar avec ses cellules échoppes attend le retour des camelots. La cour intérieure de l’édifice bordée d’arcades ouvrait sur les espaces attribués aux caravaniers, toutes identiques les cellules possédaient une cheminée. A noter d’autres espaces plus résidentiels par la taille et leur isolement destinées à des hôtes plus généreux. Demandez peut-être à la mosquée pour vous faire ouvrir la grande porte. Position : lat. 37° 45 N, long. 36° 12 E R.C.
Maran 2008 Turquie
Publié par R C le janvier 19, 2011
1440 m, une longue crête de 200 m de long sur à peine 10 au plus large. Depuis l’est le fort est invisible, aucune fortification, la falaise protège naturellement, côté ouest à peine plus accessible, le rempart file sur la roche tout au long de l’éperon. Pas d’ostentation, de l’efficace, un fort de garnison dans toute sa splendeur surtout au couchant. Le site est désert, plus bas, à la passe, un berger séculaire nous a refilé un verre de thé brûlant, j’aimerais pas y séjourner l’hiver. A partir de la route, entre 150 et 200 m de dénivelé, une petite demie heure en ligne droite pour parvenir au socle des rochers qui porte la muraille, il s’agit plus d’un mur de soutènement. La porte typiquement arménienne, en façade un arc surbaissé composé de 8 voussoirs, vue de l’intérieur, un arc en ogive constitué de 12 autres voussoirs. A cet endroit la déclivité est d’au moins 40°, dans l’enceinte ou plutôt sur le faîte les espaces plans sont rares. Présents depuis toujours, d’énormes blocs obstruent les passages, quitte à élever de semblables murs pourquoi ne pas aménager la plateforme. Les rares constructions sont disséminées sur une langue de gazon fin entre d’énormes rochers, tu imagines assez difficilement les déplacements rapides sans se fouler une cheville ou se tordre le cou. Un trait caractéristique des châteaux arméniens de Cilicie, un extérieur soigné, un système défensif efficacement impressionnant, et le chaos dans la basse-cour. Nous en déduirons hâtivement que l’apparat, ainsi que la puissance dégagée comptaient pour beaucoup dans l’établissement du statut nobiliaire. Maran n’a pas la majestueuse ambition de Toprak, Geben, Yilan ou de Vahga son intervisible suzerain, 20 km les espacent. « La beauté du paysage nous rendait muets », un coup d’œil circulaire, la lumière rasante, la pierre vire au doré et le registre des verts s’amplifie, déjà les sommets voisins s’embrument.
Depuis le dernier relevé d’Edwards en 1979, la chapelle est devenue un tas de pierres, ses soubassements sont encore en place. Vers la pointe Sud, légèrement en contrebas, à demi taillées dans le rocher deux salles contiguës devaient plus servir de celliers ou de corps de garde que de citernes. Pour les amateurs, il en subsiste une vaste au milieu de l’éperon dans une redoutable anfractuosité de la roche, couverte par une voûte, elle était fermée à l’ouest par le mur d’enceinte. Les téméraires y descendront en ayant pris soin de laisser une corde à leurs copains assis à califourchon sur le rempart, surplombant 20 m de vide. Pour rejoindre Maran ; dans le centre de Feke en venant de Kozan, juste après un pont, empruntez une route plein ouest. Au début, suivre la vallée jusqu’au huitième kilomètre, à la bifurcation prendre à droite vers Kaiserli. Au terme d’environ 15 km, les rares murs du côté Nord-est sont visibles. Sous la falaise au bord de la route, en semi troglodytique les quelques habitations du hameau de Maran, Position : lat. 37° 49 986 N, long. 35° 48 581 E R.C.
Mancilik Mandjilik Neghir 2008 Turquie (Cilicie)
Publié par R C le décembre 21, 2010
Le château invisible, depuis la plaine, depuis la montagne et depuis la mer. Au XIIe et XIIIe les voyageurs qui descendaient vers Antioche (Iskenderun) pouvaient apercevoir la silhouette du fort en repli des premiers monts. Enfoui dans une abondante végétation il est vraiment difficilement discernable, au terme de 4 heures d’investigation en poursuivant une piste carrossable puis une tentative pédestre dans un maquis à 600 m d’altitude nous avons échoués. Edwards en 1974 avait eu recours à un guide local, et mentionne au moins une bonne heure de marche, sans donner son point de départ. Depuis 34 ans, l’infrastructure routière a largement progressé, nous avons pu constater que les pistes forestières étaient souvent praticables par des véhicules de tourisme, surtout s’il y a de l’exploitation forestière. Ce faisant, l’usage d’un 4 X 4 pour s’aventurer dans ces montagnes peu fréquentées est largement recommandée, les cartes précises sont introuvables, existent-elles ? Tout bien considéré, l’intervention d’un guide s’avère salutaire et économique si vous ne souhaitez pas sécher sur un sentier ou passer une nuit dans une voiture embourbée, au mieux cheminer de longues heures pour rien. Second chapitre de l’aventure, une fois le fort aperçu et parfaitement localisé il faut encore trouver le chemin le plus simple pour parvenir à sa porte. Enfin, au pied des remparts la quête peut se terminer par de l’escalade. Ma première analyse de Mancilik se borne à l’interprétation du plan et aux excellentes supputations d’Edwards. L’attribution du lieu et sa trace dans des chroniques moyenâgeuses est sujette à circonvolutions, des explorateurs allemands y verraient bien un château baptisé Neghir par les Arméniens, ce faisant il était construit en basalte noir, or ce que nous n’avons pas vu est construit en moellon de calcaire bien jaune. Assurément, le fort contrôlait l’axe nord/sud, plus tardivement il a pu servir de base arrière pour les postes de Payas à l’époque des Ottomans. Le site est nantis de plusieurs constructions à usage domestique dont des citernes, une chapelle, des salles voûtées, l’ensemble est inclus dans un système défensif puissant, autant d’équipements qui orientent vers une occupation régulière plutôt que celle d’un ouvrage de garnison. L’accès le plus aisé s’effectue par l’ouest, avec pas moins de trois portes, les autres côtés sont bordés de rochers. L’état de conservation semble attractif, tous les bâtiments sont agglomérés dans la partie haute, à l’est. Plusieurs rangs de mâchicoulis sont toujours en place sur des parties de murs extérieurs et intérieurs. Au Nord, deux grosses tours sur deux niveaux, leurs salles étaient couvertes par des voûtes en ogive. Si vous parvenez dans l’enceinte vos efforts certains devraient être récompensés. L’accès au village de Rabat, dernier village avant la montagne, passe par Doryalik ou Dorytöl à l’est de Payas, sur la route du littoral qui descend vers Antakya. La montagne qui le supporte est entièrement boisée. Sur la route principale à Doryalik bifurquer en direction de la montagne, l’intersection se trouve avant un pont qui enjambe une petite rivière. La piste forestière qui pourrait y mener démarre après la traversée de Rabat au pied de la montagne en longeant vers le sud, puis rapidement il faut prendre à gauche le chemin monte sur le flanc d’une colline au dessus d’une carrière, après c’est la forêt. Edwards évoque une marche dans le lit d’une rivière vers l’Est puis un accès final depuis le nord, dans une forêt très dense. Position : lat.36°47 N Long. 36°19 E. R.C.
Hasambeyli 2008 Turquie (Cilicie)
Publié par R C le novembre 26, 2010
Allez directement vous tapez la cloche dans un petit caboulot au centre du bourg. Dégustez tranquillement votre brochette de plus ou moins jeune mouton avec une salade d’oignons frais, l’ensemble accompagné d’un peu de pain chaud dont vous ne pouvez vous rassasier, tant sa texture moelleusement élastique est jouissive. Il ne manque que le verre de Tavel, cruelle culture. Sous les tonnelles, installés sur des chaises multicolores en métal, les types sommeillent ou glosent sur la présence de deux touristes attablés à l’intérieur. Vous allez vite oublier le pan de mur sur la colline qui longe la rue principale, en revanche vous n’effacerez pas le contraste des boutiques répandant leur couleur sur le trottoir et gardant une sombre fraîcheur dans leur antre. Hasambeyli, une petite ville qui s’étire d’un fond de vallée sur un plateau céréalier à 800 m, Toute l’activité économique de la région est concentrée là depuis longtemps. L’étape est ancienne et convoitée, dès 1298 la route qui mène en Syrie ou à Antioche n’est déjà plus contrôlée par les Arméniens. Aujourd’hui, il s’agit toujours du plus court chemin vers Gaziantep depuis Osmanye via Cardak, gardé par le puissant fort de Savranda, à 10 km vers l’ouest. Ce dernier a vu passer dans un sens ou dans l’autre tous les protagonistes des XIe au XIVe siècle : Byzantins, Grecs, Mamlouks, Francs, Arméniens et peut être Mongols. Dernière étape avant la montagne, puis la descente vers la jonction avec la route côtière, à Fevzipasa. La construction du fortin d’Hasambeyli aurait pu être accordée aux Croisés, tout comme celle de Karafrenk. Pas d’histoire connue, chiches ruines, seul un mur sur deux niveaux percé de deux archères, pas de traces de soubassement. Le grossier appareil évoque celui du mur du bastion d’Amuda L’enceinte devait épouser la forme de l’éperon, aujourd’hui elle est cernée de fermes, sacrifiée à la technologie de « pointe », son accès est rendu impossible par l’implantation d’un relais hertzien. Chaussez des bottes, il faut traverser une basse-cour repoussante pour arriver à la clôture, l’approche du site s’effectue en voiture et les vestiges sont visibles depuis la rue en contrebas. Position : lat. 37° 07 744 N, long. 36° 33 371 E. R.C
Geben Gaban Kapan 2008 Turquie (Cilicie)
Publié par R C le octobre 25, 2010
Godefroy de Bouillon aurait dû y passer, dommage la vallée d’Andirin, à cette époque, étaient entre les mains des Seljoukides. La première croisade avait traversé l’Anatolie, en franchissant cette dernière chaîne du Taurus elle accédait aux plaines en direction d’Edesse. En 1097, les Byzantins guidaient tous ces troupeaux de pèlerins francs, depuis Goksun vers Maras, la piste la plus franchissable était celle qui passait par Geben, Azgit, Andirin. Aujourd’hui, la route principale passe plus à l’est par Sadalak, Godeffroy et sa bande ont bien emprunté cette piste moins sûre, aucune fortification n’est présente sur cette voie. En passant à Geben vous comprendrez l’appellation de verrou pour un ouvrage fortifié, elle prend ici toute sa signification ; qui tient ce fort, doit contrôler toute la vallée. Le village, à 3 km au sud, était un nœud de communication, outre l’axe principal Nord-sud, d’autres routes transversales desservent de nombreuses petites vallées contiguës, certaines en cul-de-sac, d’autres menant vers de grands axes. L’arrivée par le nord est certainement la plus impressionnante, le piton qui porte le château se détache clairement avec ses aplombs de plus de 400 m. La route circule sur le versant Ouest opposé, elle permet une remarquable vision semi-circulaire sur le site, précisément sur le logis en partie haute. Depuis le sud, le château ferme vraiment toute la vallée, la route du col passe à ses pieds, il est inévitable, ses trois rangs de fortification s’étagent sur une forte déclivité. Pendant l’occupation arménienne, vers 1216 une bagarre fameuse se déroula dans la vallée, les Mamelouks emportèrent le morceau, plusieurs chevaliers furent faits prisonniers, paradoxalement le baron Levon demeura maître dans son fort. Encore une fois, la majeure partie du bâti est attribuable aux Byzantins, les Arméniens se contentent de procéder à quelques ajouts. Leur occupation débute vers 1145, survient l’épisode de 1216, puis la capture Mamelouk de 1346 suivi d’une brêve reprise qui s’achève avec la chute du royaume en 1375. Quelques sursauts d’activité avec le maintien d’une présence arménienne se poursuivront au XVe et jusqu’au XIXe, pas forcément dans le fort mais dans le village. En cela aussi, Geben et Vahga ont eu un destin parallèle, ils contrôlaient des routes d’accès stratégiques pour la Cilicie, enfin ils appartenaient aux Rubeniens. Le point est à la fois défensif et résidentiel, il suffit de considérer l’importance du logis et le nombre de salles, néanmoins tu peux t’interroger sur les conditions de la vie hivernale dans pareil endroit, à plus de 1500 m. Je n’ai vu aucun vestige de cheminée, l’endroit est réputé pour être enneigé de novembre à mars. Au bord du précipice, alignés sur la crête sur le flanc Nord les constructions sont naturellement et idéalement défendues par un abîme vertigineux. A l’ouest, offrant une vue imprenable sur la route, s’élevait un complexe d’habitation sur trois niveaux. Attribué aux byzantins pour les fondements et la détermination des lieux, les Arméniens auraient loti l’espace. Difficile, voire dangereux, l’accès au sous-sol, il reste une belle voûte en ogive et deux minuscules pièces taillées dans la roche. L’accès principal au logis se pratiquait au niveau intermédiaire qui compte plusieurs salles dont la plus vaste s’allongeait sur 20 m. Toute la partie Ouest s’est éparpillée 200 m plus bas, dommage l’accès à ce qui pourrait être une chapelle est vraiment impossible. L’étage supérieur, certainement d’un assemblage plus léger a disparu, il demeure un pan du mur Nord et l’escalier extérieur face au Sud. En poursuivant vers l’est, toujours accroché à la falaise ; les vestiges d’une tour avec une citerne, puis dans les anfractuosités de la roche des pièces aux fonctions non définies, enfin un autre logis. L’espace est généreux, orienté Nord/Sud, surmonté d’une grande voûte, il devait avoir un second niveau. Depuis l’extérieur un beau mur en pierres à bossage s’élève encore à plus de 7 m, juste derrière il existait une autre sortie pour les moments difficiles, son accès devait être réservé aux sportifs. En contrebas, au sud-est, sur la ligne de la première enceinte, les restes d’un bâtiment intriguent ; d’une part par son implantation périphérique isolée et surtout par son absence de toute ouverture vers l’intérieur, enfin son unique porte donne sur l’extérieur de la forteresse. Cette construction de l’époque byzantine aurait pu être un lieu de culte, l’accès n’est pas aisé. L’implantation du château sur un pan sévèrement incliné ne devait pas rendre la vie très facile aux occupants, aucune basse-cour ou d’espaces plans. Paradoxe récurrent pour les châteaux de Cilicie : ici la présence de d’énormes rochers dans les salles ainsi que dans les passages, entre en contradiction avec l’ingéniosité des systèmes de défense ou la qualité des appareils. Ces forts sont d’avantage des espaces militaires que de résidences, représentants d’un pouvoir féodal assez fragile où l’ostentatoire prime sur le fonctionnel. Position : lat. 37° 48 863 N, long. 36° 24 449 E. R.C.
Findikli Goksun 2008 Turquie (Cilicie)
Publié par R C le octobre 3, 2010
Lors de mon premier voyage en Cilicie, j’évoquai dans ma quête de Tamrut, la rudesse des lieux de vie. Pauvreté ou saleté pourraient qualifier l’habitat et les conditions de vie du rural turc. Un regard empathique, doublé d’un examen plus approfondi des modes de construction t’acheminent vers une lecture moins paresseuse. Sans nier leur fonctionnalité, la poésie des assemblages de matériaux millénaires à des parpaings de béton est une leçon d’architecture vernaculaire pour les zélateurs de l’habitat traditionnel en occident. Les hameaux des fonds de vallée n’ont pas de route, simplement des chemins de terre qui passent dans les cours de fermes. Sur ces esplanades de boue ou de poussière, dans une monochromie d’ocre foncé émergent des silhouettes pâteuses aux trognes souriantes. Findikli kalesi ? …des secondes, puis ils répètent en cœur kalesi, concertation du groupe, puis ils agitent les bras en nous montrant une direction puis d’autres pour la suite. Nous n’avons jamais compris s’il fallait marcher, rouler, monter directement, emprunter quelques routes en fond de vallée. Pourtant le pog est là, depuis l’esplanade de boue, il vient de pleuvoir, les ruines ne sont pas visibles, je me demande si les types y sont déjà allés ? Il ne reste que peu de pierres assemblées sur l’éperon, les soubassements de bâtiments autour de l’entrée et un super morceau de carapace en aplomb de la falaise. Disproportionné, il augurait de la taille de la muraille, sa découpe permet d’identifier le pog qui se voit à plus de 10 km à la ronde, Le rocher est isolé et très haut, selon Edwards, la piste d’accès est dangereuse, certainement un sentier introuvable taillé dans la roche avec des marches d’escalier usées et un bout d’escalade pour terminer. Le fort, qui a hérité du nom du village turc le plus proche, était l’un des points de défense arméniens les plus au nord. Avant la plaine de Goksun, il fermait la passe en provenance de Geben, ainsi que celle de Maras plus à l’est. La montagne est lugubre, les fonds de vallée où nous nous sommes perdus exhalent la fraîcheur, tout est boisé sauf les sommets en prairie.Nous n’avons pas démérité, nos infructueux essais par l’ouest, ou par l’est auront durés plusieurs heures jusqu’à la tombée du jour. Le village de Findikhoyak (Findikli) est accessible depuis une bonne piste de terre rouge, vers l’ouest, sur la route de Kadirli, ou plus aisé depuis Goksun par une route plein sud. Ensuite il faut s’enfoncer dans une vallée, éviter celle qui semble mener au pied de la falaise vers le sud-ouest, elle parvient au fameux hameau où nous nous sommes arrêtés. A proximité, une autre piste sur le versant Est pourrait s’avérer plus praticable mais elle te fait changer de vallée. Position appro. : lat. 37° 54 N, long. 36° 26 E R.C.
Cardak Hamous 2008 Turquie (Cilicie)
Publié par R C le août 26, 2010
L’un des plus gros forts de Cilicie, Cardak s’appuie sur les premiers monts du massif de l’Amanus qui bordent le sud-est de la plaine. A 10 km à peine de Osmanye, depuis ma chambre d’hôtel je pouvais distinguer un morceau de muraille. Le château est ancien, il pourrait être cité dès 942 s’il s’agit bien du site d’Hamous. Aucune certitude pour une attribution exacte, la corrélation entre des faits et des lieux est rarement établie, en Cilicie seule une poignée de forts en bénéficie. La localisation stratégique en fait un ouvrage déterminant dans la défense de voies importantes au moyen âge. L’accès vers le sud, par la passe de l’Amanus vers Savranda, la route de la plaine vers l’est en allant vers Gaziantep puis Edesse, enfin vers le nord dans la direction de la vallée qui mène à Goksun. Pour l’intervisibilité, sa position en bordure de plaine lui ouvre la perspective vers Toprak à l’ouest, Harunye au nord est, Bodrum au nord. Le château a hérité du nom du village juste en dessous, pour s’y rendre il faut prendre la route de Osmanye à Gaziantep. Bizarrerie turque, à une grosse intersection un panneau de signalisation indique Cardak Kalesi, direction plein sud. Ne te réjouis pas, ce sera la seule indication, 10 m plus loin il faut déjà tourner vers l’est afin de reprendre la route qui passe par la montagne vers Yarpuz/Fevzipasa. Traverse le bourg qui s’étend sur des kilomètres, comme la plupart en Turquie. D’abord dans les cultures puis dans les pins, la route monte à flanc de coteau. Après les premiers lacets, sur la droite une piste en épingle aborde la montée plus rudement, effectivement elle semble se rapprocher du château. Nous avons tenté notre chance à deux reprises, le soir après un orage, cinq kilomètres de caillasse et de boue, le lendemain matin dans de meilleures conditions, après 8 km et 1/2 h de marche nous avions toujours une vallée et un mont à franchir. Quatre à cinq heures de quête pour des prunes ! Consolation, les vestiges visibles depuis notre route sont parmi les plus emblématiques du lieu : trois tours et un beau morceau de muraille toujours en parfait état, elle est bien plus abîmée sur la face Nord. L’enceinte est un quadrilatère de 100 m presque équilatéral, sur le plan les rares bâtiments sont accolés au revers de courtine Ouest. Un grand espace sans ouverture, Edwards y verrait bien une citerne mais campée sur un rocher au point le plus haut, il faut s’interroger sur la collecte des eaux. Au milieu, reste un bâtiment sans toit où notre ami y placerait une autre citerne. Tout à côté un petit édicule isolé attribuable sans équivoque aux Arméniens servait de chapelle. Ce serait là leur seule contribution. Les ruines émergent d’une forêt de pins qui recouvre tout le site, celles que nous voyons correspondent au côté sud, A prévoir, quelques heures et peut être le concours d’un guide ou d’un indigène désoeuvré pour accéder au pied des murs. Position appro. : lat. 37° 05 N, long. 36° 19 E R.C
Bodrum 2008 Turquie (Cilicie)
Publié par R C le juillet 27, 2010
La Cilicie s’apparenterait au plateau de Monument Valley, une plaine hérissée de rochers garnis de fortifications. La force du système repose sur l’intervisibilité des forts entre eux, et des signes qu’ils pouvaient émettre. La comparaison avec la pratique ancestrale des signaux lumineux ou fumigènes apparaît inévitablement. Romains d’abord, Byzantins puis Arméniens, durent certainement les pratiquer pour se prémunir des incursions Seljoukides et Mamelouk. Depuis Bodrum l’amplitude du panorama offre la visibilité sur Anavarza, Amuda, Babaoglan, Cardak, Toprak et Tumlu, un vrai programme d’alpiniste. Ajoutez à cela une position stratégique à la confluence de deux axes : nord-sud Goksun-Adana et est-ouest Kadirli-Osmanye. Un éperon qui s’avance sur la plaine, la Ceyhan coulant à deux pas… un tel spot ne pouvait demeurer inoccupé. Le site domine aujourd’hui des cultures fruitières, au printemps le bucolique et le lyrisme des ruines occultent le peu d’intérêt que représente la visite du fort. L’arménienne’s touch est néanmoins discernable dans le réemploi des matériaux de l’époque romaine, et l’usage de certains appareils de maçonnerie. Le plan est simple, l’enceinte occupe toute la périphérie du sommet, un mur flanqué d’une tour pleine divise en deux la construction. La carcasse est vide, les courtines Est ont bien morflé, les restes sont minces : deux débuts de salles voûtés superposées, une tour aveugle qui contenait deux petites salles recouvertes d’une voûte en ogive. De l’avis d’Edwards les salles basses seraient des citernes, il affectionne particulièrement à en dénicher aux quatre coins de tous les forts ! Depuis la plaine, la vision des ruines est très photogénique de toutes parts, je vous recommande de faire le tour et d’emprunter la passe taillée dans l’éperon, un travail de Romains. Aux alentours, diverses installations domestiques égaient la promenade : rigoles d’adduction d’eau, tombeaux creusés dans la falaise, emplacement de structure en boisage. Dans la prairie s’étalent les vestiges de la ville de Hiérapolis-Castabala, le théâtre, la voie à colonnade bordée de portiques, le temple et la basilique, tout fut détruit par deux tremblements de terre au VIe, depuis le château beau panorama de l’ensemble. Dans le théâtre, vous remarquerez le banc des patriciens en relatif bon état, il bénéficie d’une assise convexe d’un seul tenant alors que la plèbe profite sur de simples gradins. Sur le panneau d’accueil au pied du site, l’administration culturelle turque attribue la construction du « kalé » aux « crusaders », bien souvent les indigènes oublient ou ignorent que les châteaux de Cilicie relève d’une occupation arménienne. Position : lat. 37° 09 N, long. 36° 12 E. R.C
Babaoglan 2008 Turquie (Cilicie)
Publié par R C le juin 21, 2010
Toutes les collines de la plaine de la Ceyhan ont été investies très tôt, celle de Babaoglan n’y a pas échappé. Quelques « historiens voyageurs » lui auraient attribué une occupation quasi mythique. Les présences Hittite à Karatepe et Romaine à Hiérapolis authentifieraient la thèse, plusieurs vestiges romains se trouvent à proximité du château. Le plus beau est sans doute ce bas-relief taillé dans un grand pain de grès, au nord, faisant face à la butte des ruines. Le spot est idéal pour capturer les plus belles prises de vue des murailles. La stèle représente un soldat avec son cheval cabré, au dressage peut-être. Les Byzantins ont occupé et fortifié le site, puis les Arméniens, et enfin les Mamelouks, chacun y allant de sa touche personnelle, ce faisant les premiers occupants peuvent se targuer d’avoir fait le plus gros du travail. Dans le système défensif de la plaine, Babaoglan était un ouvrage d’appui, impressionnant par l’exiguïté de son implantation et les surplombs de ses faces Nord et Ouest. Petit rocher. Si les murailles sont flatteuses, surtout depuis le nord, une fois passé la porte disparue, et pénétré dans la petite tour à droite, il ne subsiste vraiment pas beaucoup de repères. Seulement des soubassements qui permettent d’imaginer. Lors de ses relevés, Edwards est parvenu à dégager dans la partie Est, à l’intérieur de deux minuscules pièces rondes, quelques Mosaïques byzantines, des restes de peintures murales et des morceaux de pavage en marbre. Il s’agit d’imports, il n’y a pas de filon à Baba. Considérant les quelques restes des bâtiments et la délicatesse de leurs aménagements, le château a certainement été employé comme lieu de résidence. Sur le front Ouest, autour des vestiges d’une citerne, il en existerait deux autres complètement enterrées, tellement inaccessibles que je ne les ai pas aperçues. Pas vu non plus, l’emplacement d’une chapelle, au nord, sur une terrasse en contrebas, il ne resterait plus que l’abside qui possédait encore de belles niches, nous ignorions son existence et notre guide ne nous y a pas amené. Le haut du rocher est partagé, accolée en avant du réduit sommital, une construction pouvait faire office de premier poste défensif, notamment avec son mur bouclier. L’intervisibilité de Babaoglan avec Bodrum, l’implantation sur un rocher au milieu d’une plaine, facilitent grandement la visite. Ainsi, sur la route de Osmaniye à Kadirli, prendre vers le nord en direction de Karatepe. A l’approche du site, obliquer à gauche et monter jusqu’au village qu’il faut traverser en montant vers la droite, une cour de ferme semble traverser la route, continue en évitant les poules et les canards, à 1 ou 2 km stationne dans une carrière. Ensuite marcher 1/4h, le sentier dans le maquis est à peine tracé, sur la crête, lors d’une bifurcation peu visible, à droite le chemin mène à la stèle romaine, à gauche vers le château. Alt. 488. Position lat. 37°14 589 N long 36°11 206 E. R.C
Azgit 2008 Turquie (Cilicie)
Publié par R C le mai 31, 2010
A 1200 m sur un plateau herbeux j’imagine le vent circuler en rafales froides. Depuis Andirin, le château semble posé sur un tas de blocs rocheux. Une belle enceinte presque au complet, une performance pour un site en bord de route, Depuis le nord, en redescendant de Geben, changement de décor, le fort est au bord d’une falaise. Sur son éperon il domine toute une plaine agraire, n’y cherchez pas l’accès, il se trouve sur le plateau par un chemin tout juste après la montée. Ensuite il faut suivre le chemin et couper en direction des ruines. Comme à l’accoutumé l’arrivée à la porte est rendu difficile par une succession de passages entre des rochers. D’ailleurs, la plupart des châteaux arméniens sont à peine accessible aux canassons, quant aux charrettes… L’approvisionnement ne devait pas être aisé, la destination militaire prime sur la résidence qui devait se faire dans des masures de bois et torchis avec un soubassement en grosses pierres. Avec un peu d’imagination, il suffit d’ôter aux constructions voisines actuelles leur parabole et connexion au réseau d’électricité. Azgit est un point d’appui qui défendait la passe vers Goksun et contrôlait en même temps toute une vallée. Le site à fait l’objet de plusieurs études au cours des 50 dernières années, Thompson, Dunbar & Boal, puis Edwards. L’attribution aux Arméniens n’est plus mise en cause, la construction s’est déroulée vraisemblablement en une seule campagne au XIIe. La porte est typique des constructions arméniennes ; un arc en ogive soigné doublé d’un assommoir. Probablement pas de souricière pour cette fois, la forte déclivité procurait un avantage indéniable pour les défenseurs postés en surplomb, une petite tour de défense à l’extérieur protégeait aussi l’entrée. La courtine Sud se trouve dans un état remarquable. L’angle Sud-est conserve l’endroit le plus intéressant du château, un saillant élevé sur au moins deux niveaux. Le premier, semi enterré, garde deux salles basses voûtées. Peut-être des citernes… avec des portes ? Le sol ne paraît pas très excavé, tout au moins pour l’une, car l’autre n’est franchement pas accessible, à noter traversant le mur, des conduits habillés de terre cuite. A l’extérieur sur le couronnement du second niveau, il subsiste des corbeaux, la salle était éclairée par quatre embrasures de tir. A l’extrémité Ouest, surmontant une petite poterne, un beau linteau s’orne d’une croix pattée dans un cercle, à l’intérieur sont conservé en parfait état les systèmes de fermeture ainsi que le couronnement par un arc en plein cintre. Le plan torturé occupe toutes les limites du terrain, la basse-cour suit les aspérités et ne semble pas très logeable, pas de restes de constructions, seulement la grande enceinte. Position : lat. 37° 36 553 N, long. 36° 22 891 E R.C
Haçtirin 2008 Turquie (Cilicie)
Publié par R C le mai 10, 2010
Un poste de garde, à la liaison des routes transverses de la vallée de la Ceyhan à celle d’Andirin. Une grosse tour sur un éperon isolé, situation idéale pour surveiller et réguler la passe. Le plan est simple, un quadrilatère flanqué d’un décrochement qui défendait la porte d’entrée au nord. La tour ronde venait en renfort sur l’angle Sud-ouest donnant sur la vallée d’Andirin. La position et l’implantation sur ce rocher, à la confluence de deux vallées, sont les seuls attraits du site. Sa construction en blocs irréguliers de bonne taille pourrait être attribué aux Arméniens, elle ressemble d’ailleurs à l’appareil Azgit quelques kilomètres plus haut. Si vous venez de l’est depuis la vallée de la Ceyhan, la route de jonction qui passe par Yenicekale, traverse une chaîne de montagnes, elle se prend à plus de 20 km au nord de Karamanmaras. Auparavant, une route démarrait directement de la ville, elle a disparu sous les eaux d’un gigantesque lac. De profundis, également pour le petit château de Kum qui dominait la Ceyhan à 12 km au sud d’Anacik. Au terme de deux bonnes heures de recherche autour des bras d’un autre lac artificiel, nous avons fini de comprendre, en turc, que les ruines étaient sous l’eau. Bizarrement, les deux routes qui y menaient sont fermées et les rives sont inaccessibles, le barrage n’est pas éloigné. Ainsi disparaissent certains sites. Position : lat. 37° 31 950 N, long. 36° 21 595 E. R.C
Anacik 2008 Turquie (Cilicie)
Publié par R C le avril 14, 2010
Un petit fort en bordure d’une vaste plaine où coule la Ceyhan. Un fleuve devenu un long chapelet de retenues d’eau tentaculaires. Une idée de la Turquie moderne, avec la plaine de Cilicie parfaitement remembrée. L’économie agraire hésite entre le moyen âge et le productivisme, la cylindrée et l’âge séculaire des tracteurs déterminent précisément la taille des exploitations. Ca et là, dans quelques hangars des moissonneuses roupillent en attendant la moisson, mais dès les premiers contreforts des types labourent encore avec la houe et le cheval. Pas étonnant que la salle basse de la maison forte d’Anacik soit devenue une étable. Sur un faible contrefort culminant à 240 m, la position gardait plus qu’elle ne défendait, l’accès à une étroite vallée menant à Andirin, puis Goksun plus au Nord. L’allure du bâtiment s’inspire de Bogazpinar (Sinap près de Lampron), une enceinte en gros moellons à bossage régulier, flanquée de 4 tours pleines. Sur la face Sud, la porte d’entrée est défendue, voire ornée de 2 petites tourelles, tandis que le côté Nord est protégé par une grosse tour saillante. Le plan est un long quadrilatère avec au rez-de-chaussée une grande salle voûtée en ogive, sur la paroi ouest s’appuie l’escalier qui monte au niveau supérieur. Du côté Est, un début de mur de refend, et une autre cloison fermaient un espace surmonté d’une petite voûte en coupole, deux ouvertures superposées apportaient la lumière dans cette possible chapelle. Dans sa cour de ferme, le château disparaît sous la végétation, son rez-de-chaussée est bien conservé, sa destination agricole le préserve. Au second niveau, il n’y subsiste qu’un fragment de mur et de fenêtre, la vue y est large sur la plaine, l’impressionnante voûte de la salle basse supporte une terrasse sauvage. La faible épaisseur des murs, corroborée par les derniers moignons subsistants confirme la quasi disparition de cette partie du bâtiment. Si Anacik est au bord d’une plaine, il n’en est pas plus visible pour autant, dissimulé par son écran de verdure, il se trouve à 5 km de la route principale, vers l’est. Depuis Kadirli monter vers le nord est, sur la route d’Andirin, jusqu’a Yesilova (dernière localité avant la montagne). Au centre, à la plus grosse intersection, vers la droite il faut emprunter une petite route bitumée, une chance, qui s’enfonce dans les champs jusqu’au hameau d’Anacik. Les ruines surplombent la route depuis une faible crête, le premier chemin à gauche t’emmène devant la cour de la ferme où tu seras accueilli avec le sourire. Le touriste est rare à la visite d’un tas de pierre qui daube redoutablement la crotte de biques. La construction arménienne est plutôt validée par ses fortes similitudes avec d’autres forts déjà évoqués, que par son histoire inconnue. 37° 24 N et 36°20 E R.C
Vahga 2005 Turquie (Cilicie)
Publié par ruine sur 25 octobre 2007
Certains lieux excitent la curiosité et forcent l’admiration, ainsi se conterait le résumé d’un guide touristique évoquant Vahga… s’il en connaissait l’existence. Heureusement, personne ne parle de cette forteresse de montagne perdue dans un environnement qui ne plaisante pas. Un formidable château, à 1250 m, autour duquel les premiers sommets sont déjà à 2000, en prime l’aridité et l’âpreté du décor. Ni hasard, ni mégalomanie outrancière, le site occupe une place stratégique sur la route, vers le nord, qui vient de Sis, Kozan aujourd’hui. Depuis le XIIe, il a vu se regrouper aux pieds de ses murailles une forte colonie arménienne. La montagne servait de premier refuge aux populations chassées de la plaine. Sur la route du nord, Vahga fut à la fois l’ultime forteresse arménienne, une base de repli, et en 1144 un point d’appui pour la reconquête de la Cilicie. Quand les châteaux de plaine tombaient en quelques jours, le piton subit un siège de trois semaines, au terme duquel il fut décidé que l’histoire allait se terminer dans un pré en dessous du fort. Un tournoi opposerait directement champions Arméniens et Byzantins, ces derniers emportèrent le challenge. Cette défaite entraîna la chute du premier Levon en 1138. Les byzantins semblaient vraiment déterminés à récupérer le château du prince Koch Vassilia.
La vallée est riche en monuments, avant d’emprunter la piste d’accès à la forteresse, sur l’autre versant de la vallée, un pont traverse le torrent, la route en terre finit dans un hameau, au milieu duquel, sur une butte, trône des vestiges d’une construction en gros moellons, en bas à l’intersection un panneau mentionnait « kale ». Dans le vallon de Vahga, il subsiste à moins d’un kilomètre une église byzantine remarquable, et en surplomb du château un autre édifice à l’attribution floue, peut être une chapelle.
Sur le flanc Ouest du rocher, l’Est donnant sur des falaises, une « ville » s’étendait là depuis la fin du XIe, réduite à quelques pauvres fermes au début du XXe, suite aux tragiques dispersions des populations locales. Prends ta journée pour y parvenir et visiter le lieu, le chemin est long depuis Adana, heureusement le paysage compense largement le temps passé derrière des caisses asthmatiques et fumantes. La route traverse Sis, sa citadelle te nargue avec pas moins de 44 tours, direction Feke. Cinq kilomètres plus loin, le château est visible depuis la route, mais il paraît encore bien éloigné, il te faudra au moins 20 bonnes minutes pour atteindre son contrefort, utilise une piste sur la gauche (fléchée), elle est en mauvais état, mais reste pratiquable pour une voiture de tourisme. Le château se trouve sur un pog au-dessus des fermes. Fin de mon premier séjour en 2005, la nuit était tombée sur Vahga.
Ma seconde visite en 2008 révèle, que les murailles abritaient une toute communauté, ainsi qu’une velléité de préservation.
Pour les Arméniens, lorsqu’elle fut le berceau des Roupénides, au faîte du pouvoir au XIIe, la forteresse se considérait comme un site majeur. Elle demeure aujourd’hui un endroit digne d’intérêt pour les Turcs, le potentiel touristique est indéniable, la localisation, l’allure ajoutée aux vestiges intérieurs prêchent pour une sauvegarde de l’ensemble. L’installation d’une porte en métal, plutôt récente, qui défend l’accès, ainsi que des traces de consolidation autour du châtelet corroborent l’antithèse de l’oubli. Heureusement, le site est ouvert à tous les vents. Après une courte marche d’approche pour parvenir au pied du rocher, un pan incliné se distingue de la pierraille, manifestement restauré, il t’amène facilement à la porte. L’aventure peut commencer , après le franchissement de la grille, accueil lugubre dans un grand hall abrité par une voûte supportée par quatre doubleaux en ogive. Remarquable travail, qui rappelle celui de Sis, attribué aux Mameluks. Il s’agit d’un véritable châtelet, avec ses chicanes et ses tours, qui défendait le premier passage vers le sommet. Au pied des enrochements du second plateau, une petite plateforme dominée par une tour polygonale est accessible par un petit escalier depuis le couloir principal. Surprenante voie d’accès , elle épouse les bords de la falaise, dans sa première partie, exposée au sud, le passage est toujours abrité, son prolongement vers le second plateau a complètement disparu. Un premier ensemble de constructions défend cet accès, les vestiges d’une porte, un mur bouclier percé de trois meurtrières et la tour polygonale mentionnée précédemment. Ce bâtiment, attribué aux Arméniens, diffère dans sa forme et dans son appareil. Il se compare à la maison forte de Kis. Dans ses fondements, Edwards y verrait bien une citerne, ses autres niveaux pouvaient être des pièces d’habitation.
Oeuvre majeure du site, la citerne principale, elle utilise en partie une cavité naturelle située en plein milieu du pog. Ses proportions monumentales, sa voûte à plus de 8 m supportée par une énorme pile centrale rappellent la salle basse du donjon franc de Saone. Au Proche-Orient, les citernes figurent parmi les structures les mieux conservées, pièces vitales elles retiennent toute la sacralité de l’eau. Cathédrales enfouies, par leur dimension, leur configuration ou leur implantation, elles révèlent le génie et les prouesses architecturales de leurs constructeurs. En direction de la pointe Nord de l’éperon, adossés à la muraille se trouvent des salles corridors toujours couvertes de leurs voûtes d’arête. Cette disposition se retrouve dans plusieurs sites arméniens, Gogveglioglu, Savranda, Silifke, Toprake… De l’avis de visiteurs avertis : Dunbar, Boal, Hellenkemper et Edwards, l’ensemble est attribué aux Arméniens, sur les fondements d’un ouvrage Byzantin. R.C.
Anavarza 2005 Turquie (Cilicie)
Publié par ruine sur 25 octobre 2007
Une grande plaine fertile s’étend des contreforts de l’Anti Taurus au rivage. Dans cette platitude, parsemés sur leurs pitons isolés, les forts arméniens égaient une monotonie d’ocres écrasée de soleil. Au nord-est d’Adana plusieurs sites se dressent ainsi, se surveillant entre eux. La falaise d’Anavarza s’aperçoit à plus de 20 km à la ronde, depuis Toprakale elle se distingue sur un horizon voilé. En arrivant sur le lieu, dominés par l’immense barre qui culmine à 200 m, des restes de constructions romaines et byzantines s’étalent dans une belle prairie verte tondue par des moutons. L’accès au site s’effectue au sud juste avant la passe entre les rochers. Si tu ne souhaites pas te faire importuner, laisse ta caisse près des rochers et grimpe fissa avant qu’un vieux trésorier turc jovial et transpirant l’oignon ne t’alpague. L’ascension démarre au pied la colline avec quelques marches taillées, autour, épars, des fragments de bâtiments pré-arméniens. 20 longues minutes d’ascension sous un soleil bien lourd nous amènent au bord du plateau. Ici débute la première enceinte, un mix de pré-arabe, byzantin et arménien qui augure le bricolage et le réemploi, dont les Arméniens étaient friands, enfin n’oublions pas le travail des Mameluk qui occupèrent le site jusqu’au XVe. Passé la porte, c’est d’abord une vaste étendue d’herbe, de laquelle émerge la chapelle byzantine, trois nefs accolées, écroulées, seule une voûte en cul-de-four porte encore des traces de peintures.
A 400m, le plateau se rétrécit, sur une bande étroite en surplomb il y a le château, isolé sur son éperon par un fossé. Imposante masse de pierre qui atteste de la très ancienne occupation, corroborée par le recyclage de blocs d’époques antérieures, principalement dans les soubassements, frises d’attique, corniches, colonnes, chapiteaux se retrouvent mêlés sans dessus dessous. Un caractère récurrent dans les constructions arméniennes, où la rapidité de construction et l’efficacité prévalent sur la qualité et l’esthétisme. Ce second plateau est occupé sur sa périphérie par de nombreuses constructions accolées à la courtine. Depuis une baie du donjon, 150 m plus bas, j’aperçois parfaitement le tracé de l’enceinte romaine, les moutons font des points blancs sur la prairie. Le plan de l’ancienne cité vespasienne se devine au sol. La dernière partie, vers le nord, épouse une arête rocheuse qui serpente, monte, descend, au moins 500 m de muraille. Diffcile d’imaginer Anavarza en capitale du petit royaume de Cilicie au XIIe siècle, lorsque les Roupénides dominaient légèrement les hétoumides. Du village actuel à la ville romaine, l’histoire s’étale sur 2 000 ans : d’abord cinq siècles d’occupation romaine, ruinée par les conquêtes Seljoukide en 824, réinvestie au XIe par les croisés lors de leur transhumance vers la Palestine, puis les Arméniens de 1111 à 1374, date de la reconquête définitive par les Mameluk, et la fin proche du royaume Arménien de Cilicie. R.C.
Toprakale 2005 Turquie (Cilicie)
Publié par ruine sur 25 octobre 2007
Un énorme château noir au bord de l’autoroute sur une colline à la croisée de routes stratégiques. Lieu de rencontre, tour à tour possession des Byzantins, des Mamluks, des Arméniens, des Ottomans et même des Egyptiens, sans oublier le passage des croisés. La superficie du site est impressionnante, la double enceinte, les deux basses-cours, les salles de garde, les écuries, les tours, tout est à l’échelle du site. Des dimensions qui ne ressemblent pas à celles des autres forteresses de Cilicie, mais évoquent plutôt un site isolé dans un pays hostile, enfin sa pierre noire de basalte et son implantation me rappellent les plus grandes places fortes de Syrie. Henri Paul associe volontiers le Krac aux forts de Cilicie. Les Arméniens participèrent à la construction des forteresses franques, puis ils s’en inspirèrent dans l’édification des leurs, quant à trouver des similitudes entre Toprak et le Krac… si le plan présente des similitudes l’allure générale évoque plus facilement le Marquab. L’accès à Toprak est très facile, le château est visible depuis la route principale, ne passez pas par le village de Toprakale poursuivez la nationale jusqu’au fléchage. Le stationnement s’effectue dans la première basse-cour en contrebas. L’entrée actuelle n’est pas attribuée formellement à celle du moyen âge, il y avait deux autres poternes au sud et à l’est, doutons, car ces accès étaient soit mal protégés ou implantés dans un cul-de-sac. Avec certitude, l’endroit est occupé depuis l’âge du bronze et des vestiges de village médiéval subsistent sur le flan Ouest, la première forteresse daterait du VIIIe, à cette époque les Seldjoukides l’appelaient al-Kanïsah. De 1137 à 1337 fin de l’occupation arménienne, il change au moins huit fois de main, puis les Egyptiens l’occupent jusqu’en 1491, les Ottomans pacifient la région et Toprak devenu inutile, sauf pour les carriers, s’oublie.
Toute la beauté du site est intérieure, pas de donjon, de tours de maître, rien ne dépasse au-delà de deux niveaux. Pas de constructions au milieu de la basse-cour, les bâtiments couverts sont adossés à la courtine, nombre de salles ont conservé leur voûte. Les longues écuries et celliers qui s’appuient sur le mur Ouest possédaient une double couverture, entre le plafond et les voûtes était stocké du fourrage. Au bout, se trouvent deux petites pièces enterrées sous la tour Sud-Ouest. La fameuse, avec sa bande blanche horizontale, bien repérable. Elle intrigue, apparemment ce ne serait pas l’œuvre des Arméniens qui ne donnaient pas dans la dentelle lors de l’édification de leurs forts, en revanche les muslims se préoccupaient plus de l’allure de leurs châteaux, cela confirme les différentes époques de construction. Plusieurs autres endroits valorisent cette thèse, avec des traces de maçonnerie plus soignée notamment dans le relèvement des niveaux.
A perte de vue s’étend la plaine agraire, il doit faire une chaleur à mourir l’été. R.C.
Yilan 2005 Turquie (Cilicie)
Publié par ruine sur 25 octobre 2007
Si vous êtes un peu intéressé par les châteaux de la petite Arménie, vous aurez certainement vu une photo de Yilan Kalesi, “le château du serpent”. Parmi tous ces forts de la plaine de Pamphylie, il est le plus célèbre. Proche de la route principale qui traverse l’Anatolie, il affiche une fière silhouette sur sa colline au milieu de la plaine, ses murailles et son équipement défensif sont en bon état, enfin pour les fainéants, c’est le lieu idéal pour une ballade de dimanche après midi, dommage que la Turquie soit aussi loin. Facile d’accès, tu ne peux pas te tromper, une petite route depuis la nationale te mène direct au parking, après il te reste un quart d’heure pour parvenir à la porte, évite les heures chaudes. La progression vers le château te régale, les enceintes successives se découvrent, les tours s’enchevêtrent, le plaisir de passer là quelques temps me gagne.
Mon premier regard dans la première enceinte ne me dit pas où je dois aller, sensation jouissive d’avoir tellement à voir. Je vais au plus loin en me retournant régulièrement pour être sûr de ne pas manquer un détail. Les constructions sont concentrées sur 200 m de long et à peine 100 au plus large, le site est partagé en trois parties auto défensives. Les enceintes basses défendaient l’approche de la partie haute qui recevait toutes les habitations. Les deux basses-cours parallèles, à flanc de rocher, ne valent que par les lacets de leur belle muraille en pierre à bossage, leurs deux portes d’accès sont placées sur le même axe, chacune est défendue par une tour. L’accès au plateau supérieur oblige à gravir plusieurs rochers, il devait y avoir un escalier en bois. L’entrée est remarquable de systèmes défensifs, elle se fait dans une construction encadrée de deux tours élevées de trois niveaux, tout y est : à l’aplomb du mur pour une défense depuis le parapet, un assommoir devant la porte, la souricière avec ses deux ouvertures à 90 degrés. Passé cet ouvrage, tu peux admirer l’intérieur de l’enceinte en parfait état, à gauche la voûte de la grande citerne dépasse du taillis et des rochers, parfaitement fraîche. Sur toute la périphérie, des tours bastionnées ont conservé leurs salles basses voûtées, au centre un chaos de roches et de végétation dissimule les ruines de la chapelle, en contrebas il y a une autre citerne. Seul vestige de l’occupation du site à l’époque byzantine, l’ouvrage est à demi enterré, doublé d’un parement de briques, vous y verrez également une rigole de récupération des eaux. Pour terminer l’errance, tu iras visiter l’intérieur des tours de l’entrée, il y reste de belles voûtes. L’histoire de Yilan est mal connue, d’ailleurs son nom médiéval l’est tout autant, des clés de voûte ainsi que des détails permettraient de dater certaines parties de la construction du règne de Levon Premier, fin XIIe, la grande époque des châteaux de Cilicie, rien de sûr. Toujours dans l’approximation, une garnison l’aurait occupé jusqu’au XIXe. R.C.
Kis 2005 Turquie (Cilicie)
Publié par ruine sur 25 octobre 2007
Une maison sur la colline, à des kilomètres à la ronde par-delà les vallées tu l’aperçois, la butte culmine à 550 m. La fin de l’après-midi allait forcément nous gratifier d’un beau coucher de soleil.
L’accès n’est pas fléché, mais il est aisé, la campagne est placidement vallonnée, le château est bien visible depuis la route 750, direction Cokak, prendre un chemin sur la droite monter dans les pâturages 1/4 h sur la crête, dans une courbe quitter le chemin, terminer à pied 20 mn sur un sentier de chèvres. A nouveau peu d’information au sujet de l’occupation des lieux et de la construction. L’attribution au passé arménien est corroborée par l’implantation dans cette zone géographique de la Cilicie et par le travail de maçonnerie caractéristique. Pourtant à Kis l’appareil est plutôt soigné, des pierres à bossage encadrent les baies, le rythme des ouvertures, leur grande taille, les corbeaux sur la partie nord et les proportions du bâtiment confèrent de l’harmonie à l’ensemble voire de la préciosité. Le site est à l’écart de toutes routes importantes, modeste par sa taille de 30 m sur 12 de large avec deux niveaux principaux, entouré d’une enceinte constituée d’un mur continu peu élevé et sans tour, il n’illustre pas la mégalomanie d’un chef de canton.
L’approvisionnement en eau reste un problème majeur, hormis un vague puits artésien insuffisant en cas de siège, une citerne est obligatoire. A Kis, elle se trouve sous les trois niveaux du corps Sud et surtout elle est alimentée par une disposition ingénieuse. Sur la façade exposée au soleil affleurant j’avais remarqué en arrivant une saignée verticale sur toute la hauteur, en m’approchant je constatais qu’elle se terminait sur une pierre saillante creusée en rigole qui pénétrait le mur, à l’intérieur je retrouvais le déversoir dans la citerne. Le tour du château sera bref, il jouit quand même d’un panorama à 360°, à l’intérieur la visite est en odorama, l’âcre fragrance des crottes de chèvres nous accompagne, le squatt est ancien car des millions de ces petites billes forment un tapis moelleux de plusieurs dizaines de centimètres. Les salles ont conservé leur voûte, certains escaliers sont toujours en place, mais il n’y a plus de toiture, évidemment l’aménagement est sommaire, toutefois il semble subsister une cheminée dans la grande salle du bas de l’aile Nord.
En guise de conclusion, je pense qu’ici tout est désolation et misère, que le temps ne fait rien de bien à l’affaire et c’est tant mieux. R. C.
Bogazpinar 2005 Turquie (Cilicie)
Publié par ruine sur 25 octobre 2007
Un vieux panneau tordu et gris indiquait bien Bogazpinar kalesi dans la descente 3 km avant Lampron, mais nous n’y prêtions aucune attention. En remontant, après la révélation de ce site improbable sur le tertre de Lampron, j’avais l’œil gauche sur chaque route traversière, je la retrouvais enfin au second passage. Rapidement la route se commue en chemin, tout d’abord au milieu de maisonnettes de villégiature, puis en plein alpage, au détour de virages je l’aperçois de mieux en mieux. Une tour seule, posée sur un gazon, à 1270 m, en pente douce.
En contrebas d’un gué, des gitans campent, roulottes, chevaux et tracteur, pas de Marcel pour tirer la caravane, ils ont des tronches noires comme leurs vêtements, une vieille bricole un feu pendant que des ados font brailler un chien, des hommes coupent du bois avec une tronçonneuse. Je laisse l’os en dessous du château souhaitant que les gamins ne viennent pas nous casser les pieds. Solitude et ruine romantique, un vrai luxe, seul bruit, celui des cloches des moutons un peu plus haut dans l’alpage.
La construction est simple, un quadrilatère avec quatre tourelles pleines, la maçonnerie utilise un grand nombre de pierres à bossage, une porte basse pour le premier niveau, une autre à trois mètres pour le second, les trois niveaux étaient voûtés. Désolation à l’intérieur, reconverti en bergerie depuis plusieurs siècles, ce n’est plus qu’un chaos de pierres et d’herbes peu engageant, les trois voûtes sont tombées en cascade. La salle basse est encore en partie couverte, aux niveaux supérieurs ne subsistent que des arches.
A l’extérieur je respire à nouveau, le rocher de Lampron à 5 km se laisse admirer. Ne comptez pas sur l’histoire, simplement quelques réflexions, la relation avec le rocher en face est évidente, l’intervisibilité la justifie, pourtant beaucoup d’éléments les opposent. Le style presque élégant de Sinap, sa maçonnerie à bossage contraste avec l’appareil jointif de Lampron avec ses constructions scellées aux rochers lorsque la petite tour se dresse en pleine pampa sans autres éléments défensifs. Alors, ouvrage avancé défensif ou offensif ? Tellement improbable que je ne m’en lasse pas de ce refuge d’alpage. R.C.
Tece 2005 Turquie (Cilicie)
Publié par ruine sur 25 octobre 2007
Après Korykos, la tour de Tece au milieu des champs et des plantations de citronniers ne mérite pas un vrai détour. Son implantation en bord de route à la sortie du village sur une légère éminence peut néanmoins la rendre désirable, pour des stakhanovistes du vieux pan de mur. Ici, il n’en reste plus que deux d’une tour maîtresse cernée d’une petite enceinte. La vue stratégique sur la mer est barrée par des immeubles campés le long de la route côtière, de l’autre côté la plaine agraire vibre au soleil.
Au XIIe, la construction devait abriter un baron local et ses ouailles ou encore des caravaniers, en cas de troubles. Les croisés y auraient séjourné, peut-être l’ont ils possédée alors qu’ils défendaient le bord de mer. Au loin, la ruine est prometteuse, sur place tu fais trois fois le tour de près ou de loin afin d’être sûr de n’avoir rien oublié. Trois niveaux, le premier est couvert d’une voûte en berceau, les deux suivants réservés à l’habitation, ont droit aux planchers. Petit paradoxe, pourquoi une archère à côté de deux baies d’un mètre de large ? Des corbeaux, supportant un ouvrage en bois, sont toujours en place sur le pourtour, pour le reste c’est ruine et tas de cailloux. Pas d’historique connu. Bon voilà c’est fini, en route pour Lampron, en montagne. R.C.
Lampron 2005 Turquie (Cilicie)
Publié par ruine sur 18 octobre 2007
La chaleur tombe, l’habitat prend des allures de chalets suisses, à 75 km de Tarsus la mer est bien loin. Nous avons traversé des vallées, roulé sur des hauts plateaux, emprunté des défilés, peu à peu l’ocre jaune et la poussière s’efface, bleu et vert dominent. Un univers coquet de résidences secondaires disséminées dans la vallée, au milieu de ce paysage alpestre trône un formidable rocher qui se voit à des kilomètres à la ronde, posé dessus le château, dont j’imagine quelques superstructures. Un œil exercé est capable de déterminer la position d’un site sur le terrain. Je fais moins le malin quand il s’agit de trouver l’accès, premier essai infructueux, nous atterrissons dans la cour d’un restaurant désaffecté en dessous de la terrasse Nord, la seconde tentative nous offre l’occasion de faire le tour du rocher au pied des falaises, après la visite du vieux village sur le flanc Ouest, des ouvriers nous indiquent le chemin. 20 mn en zig-zag de terrasses en terrasses, inutile d’aller trop à gauche vous ne passerez pas, à droite dans un petit défilé prends l’escalier taillé dans le rocher, deux derniers lacets et te voilà dans la souricière à l’arménienne (2 portes à 90°). La partie Sud est très ruinée, des murs délimitent des enclos auxquels il est difficile d’attribuer une fonction. Le plateau du piton est très accidenté, il s’étend sur 400 m et plus de 120 de large, du haut de ses falaises de 40 m il domine le bourg. Au centre, aucune trace de bâti, l’éperon Nord en léger surplomb supporte les constructions les plus attractives, cinq salles agglomérées dont quatre sont encore voûtées. La plus belle mesure 20 m de long, la maçonnerie est en parfait état avec un bel appareil de pierres jointives, une particularité rare si l’on considère les techniques de constructions en usage dans la région. Constantes arméniennes : l’absence de décorum et l’austérité qui confèrent à tous ces sites l’appellation de fort voire d’ouvrage purement défensif, par ailleurs vous aurez remarqué l’absence des donjons dans les châteaux arméniens.
L’histoire connue de Lampron nous la devons à Robinson & Hughes, puis à Hellenkemper dans les années 70. Malgré son isolement montagneux le site est un lieu convoité, sa position stratégique près des Portes de la Cilicie excite les peuplades de passage dans la région. Les Grecs, avant les Byzantins auraient occupé l’endroit. Au XIIe, le château est déjà cité, le fameux Levon roi de Cilicie s’en empare à la suite d’un mariage, il échoue dans les mains d’un baron félon (Constantine) qui s’allie aux muslims, démasqué il est exécuté. Au tout début du XIVe il sert de prison pour des croisés, jusqu’à la fin du siècle une garnison mamluk le garde. Après, c’est fini jusqu’à l’invasion des antennes d’un relais émetteur. Immanquablement, tu pourras embrasser un paysage panoramiquement à 360°, vers le nord-est, tu distingueras au milieu d’un alpage une grosse construction. A la jumelle, non tu ne rêves pas, c’est bien une tour posée sur une pelouse, de surcroît pas ruinée. Vite en bas, sans trop de regrets pour ce site sans surprise. R.C
Meydan 2005 Turquie (Cilicie)
Publié par ruine sur 18 octobre 2007
L’intérêt de certains sites repose plus dans leur quête que dans leur configuration. Depuis Adana il y a environ 60 km, le château est en montagne à 1500 m. Il faut apprendre à se méfier des cartes en Turquie, surtout des routes secondaires. 3 h pour parvenir au village et l’apercevoir perché sur son piton, puis une de plus pour toucher la porte. D’ailleurs, il y a bien longtemps qu’il n’y a plus d’huis là-haut, l’endroit est vraiment planqué et il ne faut pas craindre de faire un peu d’escalade pour y arriver. Dans la cour tout est mêlé, le rocher, les murs, la végétation d’altitude, pas trop de pillage, il fallait redescendre les pierres dans la vallée… L’austérité règne, brutalité des formes, dénuement des parois, absence de toute ornementation, seulement la fonction défensive. Il n’y avait pas d’eau sur place, le premier puits était à 20 mn de marche, alors il y a quatre citernes. Le site occupe deux espaces, la partie haute surplombe de 50 m la plus basse. Un puissant mur appuyé sur le rocher les sépare, son rôle défensif est manifeste considérant les tours et les postes de tir, cette partie offrait un dernier refuge en cas de siège. Au plus haut il y a une belle terrasse, recouverte d’une pelouse d’alpage au bord d’un à-pic, comptez à perte de vue les chaînes montagneuses. En bas la concentration de vestiges est plus forte, principalement le mur Est, percé de 11 archères au ras du sol, plus quatre ou cinq autres 4 m plus haut, il défendait un autre accès. L’entrée principale était de ce côté, aujourd’hui la poterne Ouest semble la seule issue d’accès. Qui pouvaient être les malfaisants capable de cavaler en pleine montagne, d’escalader et de se frotter à des murailles de plus de 7 m ? Les constructions sont toutes là, mais assez abîmées, le temps en a fait son affaire. La chapelle incluse dans une tour est en parfait état, sans doute sa construction avec d’énormes blocs l’a préservée des rigueurs de la montagne. A l’intérieur, seule concession au décorum dans cette austérité minérale, une voûte en cul-de-four où alternent les rangs de briques et de pierres. Recueillir des informations sur le château, sa construction, son histoire, sa ruine est aussi difficile que de s’en approcher, il n’est pas mentionné sur les cartes récentes. Son nom est celui du village moderne un peu plus bas, quand bien même il serait situé à la croisée de routes stratégiques au moyen âge, que défendait-il et surtout qui acceptait de demeurer très longtemps là-haut ?
Allez à Meydan même si vous vous perdez un peu. Utiliser la route qui passe à l’ouest du lac depuis Adana en direction de Karaisali et d’Aladag. Le château est visible depuis la route, le chemin d’accès se situe dans le village en contrebas de la route à gauche. L’accès au pied du pog est possible en 4×4, environ 20′, puis terminer à pied dans les sapins 10′. Position : 37° 31 N, 35° 23 E à 1450 m. R.C.
Silifke 2005 Turquie (Cilicie)
Publié par ruine sur 18 octobre 2007
Le château sans porte, comme il est fait mention dans les rares guides touristiques qui le mentionnent. A part cela, il est idéalement situé sur deux axes : un Nord Sud qui menait les croisés de l’Anatolie à la mer, et un Est Ouest sur la stratégique route de la côte sud. Le lieu est investi depuis l’antiquité, la ville fut fondée par l’un des généraux d’Alexandre et s’appelait Seleucia, puis au IXe et Xe viennent les empereurs romano-byzantins. Du XIIe au XIVe , la petite Arménie est très agitée, au gré d’alliances et de mésalliances entre les quatre protagonistes du coin : Byzantins, Arméniens, Croisés au début puis muslims à la fin. Parmi ces illustres, deux roitelets Arméniens se distinguent, Levon qui est emprisonné à Constantinople et Levon Premier qui récupère, pérennise, s’allie à Frédéric Barberousse pour lutter contre les Arabes.
La place s’étend sur plus de 200 m de long et 80 de large, sur une colline qui domine la ville ancienne. La grande enceinte, avec ses 10 tours, quoique ruinée demeure en place. Un début de restauration voire de reconstruction est en cours, un travail d’Allemand sans doute, au vue de la qualité de la prestation, qui ne ressemble en rien aux appareils arméniens mais plutôt à un boulot de Francs. Heureusement, la restauration semble arrêtée. L’entrée du jour s’effectue sur la face Nord, après avoir utilisé un long corridor, une seconde paroi double plus de la moitié de la courtine Nord. En contrebas, allez jeter un œil sur une grande citerne enterrée. La porte franchie, tu fais face à un immense champ de pierres, il ne reste rien au centre, que des moignons de mur et une citerne, les bâtiments principaux étaient à l’ouest. Perché sur un tas de cailloux, point de vue circulaire et stratégique, ce ne sont pas les ruines qui obstruent la vue, tu contemples la mer au sud avec les montagnes tout autour. La visite est rapidement menée, de longues gaines en voûte d’ogive adossées aux courtines, témoignent de vastes espaces couverts, tout est vraiment très abimé. Nous passons de salles en salles sans franchement parvenir à identifier leur vocation. Dans les tours, il demeure quelques belles salles basses voûtées en coupole. En marchant sur le mur Sud, je distingue les traces et subsistances d’un fossé délimité par une première enceinte, il devait cerner l’ensemble. L’avantage indéniable du site est son positionnement périurbain, il dispose surtout d’un restaurant d’altitude, nantis d’une terrasse couverte, juste au pied des murailles. R.C.
Korikos 2005 Turquie (Cilicie)
Publié par ruine sur 12 octobre 2007
Nous aurions pu faire un reportage sur le tempérament sportif de la Fiat Albea. La route de la côte qui relie Antalya à Adana vaut bien une spéciale du Tour de Corse. Seul inconvénient, nous roulons sur route ouverte, les camions turques hors d’âge sont autant d’obstacles pour « faire un temps » entre chaque site.
A l’est, le soleil se couche plus tôt, en arrivant à Korykos vers 17h, vous n’aurez plus le choix entre le château de terre et celui de la mer. Pas le temps d’aller sur l’île à 200 m de la plage, en compensation, nous sommes en technicolor, une lumière jaune oranger irradie les pierres sur un fond de mer bleu profond. Le site devait être encore plus beau 20 ans auparavant, aujourd’hui la magnifique plage est bordée à l’ouest par des buildings de plusieurs étages, heureusement le château à l’est n’est pas encore encerclé.
L’occupation d’un tel site n’est pas nouvelle, quand les Arméniens en font leur deuxième port et construisent le fort au XIIe, les Byzantins, les Arabes et les Grecs connaissaient déjà l’endroit, les stigmates de leur passé en constellent les murs. Colonnes, entablements, jambages, linteaux, stèles funéraires, bornes, portails proposent un nouveau jeu pour les promeneurs, “Sampling à Korykos” : identifie et attribue l’origine des pierres recyclées. Entre bricolage savant et réemploi… une spécialité des bâtisseurs arméniens.
L’endroit est stratégique pour la maîtrise des plaines agraires de l’ouest, entre Silifke et Tarsus, il protège la Cilicie. La plupart des historiens s’accordent sur la fondation du château actuel au début du XIIe, l’époque est trouble, les Croisés ont tenu le lieu quelques années avant de se faire déloger par les Byzantins, les Arméniens craignaient les Mamluks, les Chypriotes jusqu’en 1360 assurent le dernier rempart contre l’annexion définitive des musulmans. Quant aux Grecs, ils y avaient édifié un fort dont les éléments se trouvent maintenant scellés dans les murs.
L’implantation de l’ensemble occupe un éperon barré, à mains d’homme, le fossé taillé dans le rocher isole la forteresse. Une double enceinte épouse la forme d’un quadrilatère presque parfait, des tours carrées encadrent et rythment les murailles. Le site est en bon état. La visite regorge de détails signifiant le soin et la particularité de la construction. A l’intérieur des tours, de deux ou trois niveaux, les escaliers sont placés dans l’épaisseur des murs, des voûtes couvrent chaque étage. Le chemin de ronde, sur l’enceinte extérieure, reste pratiquable, il mène à la porte de la mer avec sa vue sur la baie et l’autre château sur son île. Le côté Est borde la longue passe taillée dans le rocher, profonde, elle me ramène à Saone, ici les vagues la pénètrent, frappant ses flancs noirs et les tours qui la bordent. Dans la basse-cour, les constructions sont bien plus ruinées, de beaux vestiges permettent encore l’affectation des bâtiments, à toi de repérer les trois chapelles, une seule date de l’époque arménienne.
La nécropole
Tu n’es pas au bout des bonnes surprises, pour terminer traverse la route!
Tu vas pouvoir entamer une longue promenade dans une formidable nécropole du début de l’ère chrétienne, oubliée de tous, sauf des agriculteurs qui déplacent les sarcophages pour planter de la vigne. A perte de vue, un enchevêtrement de pierres tombales et de couvercles brisés, jetés, tout a été pillé sans exception. En ruines également, trois bâtiments qui s’apparentent à des lieux de culte, basilique ou sanctuaire… R.C
Softa Kale 2005 Turquie (Cilicie)
Publié par ruine sur 8 octobre 2007
Au bord de la route qui mène à Tarsus, à moins de 20 km d’Anamur, la forteresse est supportée par un piton. Il s’agit d’une vaste enceinte défendue par de nombreuses tours et redans. La sommité de la colline est totalement ceinte, la partie habitée se trouve à l’est juste en surplomb de la falaise. Le flanc Sud, plus exposé, est défendu par une succession d’enceintes. Sur la crête s’étire une muraille renforcée de tours carrées, elles sont rondes sur le mur inférieur, au total plus de 100 m de courtines en bon état. La porte de la seconde enceinte bordée de deux saillants en éperon est un ouvrage avancé, sa disposition en souricière rappelle celle de ses voisins. Un château arménien vraisemblablement, toutefois il n’est pas cité ainsi. Pas d’informations historiques sur le lieu, sa position en bord de mer renforçait le dispositif de protection côtier qui servit tour à tour aux protagonistes des environs entre le XIe et le XVe (Byzantins, Arabes, Croisés et Arméniens).
Autre particularisme défensif, l’entrée du corps d’habitation est encadrée à nouveau de deux tours pleines ou saillants en éperon couronnés en demie coupole à arrête. Un dispositif plutôt décoratif, qui renvoie à un artifice ottoman. Personne sur la colline écrasée par la chaleur, une heure trente d’ascension dans le maquis pour parvenir au faîte. Je n’y suis pas allé, Mamur kalesi avait absorbé le crédit temps libre. Nous devons visiter Silifke qui promet beaucoup, et rouler encore trois ou quatre heures sur cette maudite route de corniche encombrée de camions asthmatiques, pour arriver à Korykos en soirée où 2 châteaux attendent.
Piètre compensation, vite, nous avons fait le tour du piton par la route, au pied des falaises j’ai photographié quelques maisons de paysans en me disant que le temps ne passait pas aussi vite pour tous. Seules concessions contemporaines des bâches de polyane sur le toit d’un appentis. R. C.
Mamur Kale 2005 Turquie (Cilicie)
Publié par ruine sur 8 octobre 2007
Premier château vers la Cilicie, depuis Antalya. Pour les passionnés, la route est jalonnées de ruines romaines considérables, dans un bon état de conservation. Avec cette première visite, je prends conscience de mon arrivée dans un nouveau pays, à Mamur la mer lèche la base des murs à tel point qu’une tour ou deux sont répandues dans l’eau. Pourtant, il n’est abandonné que depuis la fin de la première guerre mondiale.
Au bord de la célèbre route 400 qui longe toute la côte méditerranéenne, combien de types sont passés par ici, la mer est d’un bleu profond accentué par la blancheur de la roche, combien s’y sont baignés, Frédéric Barberousse, la frivole Aliénor.
Vite avant qu’un bus de touristes germains vienne réveiller le site, nous payons une modeste somme pour pénétrer dans la grosse tour carrée couvrant l’entrée. Le bel état du crènelage ravit les touristes, ils ne seront pas déçus par l’intérieur, tours et salles en grossière maçonnerie sont bien entretenues. Ils pourront aussi monter et descendre à loisir des couronnements au chemin de ronde jusqu’aux salles basses en passant par les galeries de surveillance dans les courtines, il y a de quoi amuser les familles.
De l’aventure et du risque également sur le côté Ouest face à la mer où tours et murailles se sont effondrées, les coursives s’arrêtent brutalement surplombants des effondrements de blocs encore maçonnés. Au centre, l’immense basse-cour d’un bon hectare est séparée en deux sur toute sa longueur. Il s’agit plutôt d’une extension du site vers la plage avec un rang de muraille supplémentaire posé sur un remblai, la similitude de maçonnerie incline à penser que les phases de construction sont proches.
L’histoire est intimement mêlée à celle d’Anamur, la ville voisine. Au IIIe siècle, les Romains édifièrent un premier fort, repris et aménagé par les Byzantins, le château que tu peux visiter aujourd’hui serait du XIIIe, l’époque des grandes constructions arméniennes est en cours. Mamur, s’il s’inspire du savoir-faire arménien est bâti par un sultan Seljoukide. Au XIVe il passe aux mains des Croisés qui l’utilisent comme un poste avancé pour leur implantation chypriote. Récupéré et agrandi au XVe par les Ottomans, l’occupation dure cinq siècles, apparemment pour se défendre de Chypre au large et de l’implantation anglaise au XIXe. Allez dans la grosse tour Est, les voûtes des salles sont en moule de baba au rhum, la pile centrale abrite le conduit du puits quand un escalier s’enroule autour.
Damned, lorsqu’un bus vient d’arriver, son lot de touristes s’égaye dans la basse-cour, il est temps de faire le tour de l’impressionnante enceinte. L’ensemble est tellement photogénique, sur son fond de montagnes, qu’il est mis en scène dans de nombreux films (turcs). R.C
Tamrut 2005 Turquie (Cilicie)
Publié par ruine sur 1 octobre 2007
La route est longue et périlleuse pour Tamrut le château est en pleine montagne loin de toute habitation. Nous avions perdu beaucoup d’heures à Meydan, à vol d’oiseau c’est 20 km pas plus, mais un massif montagneux les sépare. En redescendant vers Adana, tu prends une petite route à droite vers Etekli (fléchée), après le village c’est une piste durant 40 mn, inutile de regarder vers l’horizon si un pan de mur ou une butte te paraît propice, le château n’est jamais visible depuis la route. Passe d’abord un col, plonge vers la vallée, 600 m plus bas coule l’Eglence pas une âme vivante au fond de cet immense espace herbeux, franchis le pont, la piste remonte sur l’autre versant, prends toujours à droite. Si tu vas à gauche, dans un vallon tu rencontreras trois ou quatre fermes à flanc de colline, demande ton chemin, peut-être se souviendront-ils de nous. Le moyen âge n’est pas loin. Le soleil rasait la cime des pins nous désespérions, quand… il est là, au-dessus, inaccessible dans cette solitude, orienté à l’ouest alors que la piste vient de l’est. Idéalement placée l’enceinte occupe le couronnement d’un piton isolé de la montagne. Si tu trouves un chemin de chèvres à flanc de côte, il te faudra seulement 10 minutes d’un bon raidillon, l’entrée (à l’ouest) se situe entre les 2 tours. Aujourd’hui, il serait difficile d’imaginer que ce château ait eu une position stratégique tant il est isolé, la plus belle preuve en est son bon état de conservation. A l’époque de l’hégémonie arménienne sur la région les enjeux étaient légèrement différents. En plein col, sur la chaîne qui sépare les Portes de la Cilicie de Pozanti, il défendait deux grandes vallées et des routes qui menaient à d’autres plus importantes.
Pas d’histoire pour Tamrut, construit par des Arméniens, seules des inscriptions gravées dans la pierre à 6 m de hauteur au-dessus de la porte en attestaient, c’est tout. Parvenu en haut, le soleil a disparu, la piste de l’aller en nocturne puis 60 km de routes turques, à tombeau ouvert, nous attendent. Aux alentours de 20h nous quitterons Tamrut avec un goût d’inachevé et de retour possible. La visite sera rapide, la porte est défendue par une souricière comme à Yilan, le périmètre intérieur est partagé entre arbustes et roche affleurante, la cour en plan incliné est totalement cernée par des casernements adossés à la muraille. Une à une, j’inventorie toutes les salles, impossible de signifier leur destination. Des baies voûtées ouvrent sur la vallée encore traversée par des particules de lumière jaune. Derrière, au nord-est, une haute paroi verticale grise, presque bleue, la lumière ne parvient déjà plus dans ce fossé naturel où s’installe une monochromie sinistre en soirée.
Je réalise que le site est entièrement isolé du flanc montagneux et que les murs prolongent l’aplomb de la falaise. Pour un endroit abandonné depuis plus de cinq siècles, il subsiste en bon état de nombreux éléments : quelques portes d’accès aux salles périphériques, la chapelle, une citerne en guise de crypte, les tours et l’enceinte. Difficile d’exprimer la solitude de ce petit château, sa fragilité au pied des montagnes, conjuguée à sa redoutable position, loin de tout, où tu joues à l’explorateur, celui qui le découvre pour la première fois, seul le calme ou le vent règne là-haut. Position : 37° 29 N, 35° 11 E à 900 m.
Le retour vers Adana. 21h30, l’Albea traverse Etekli à vive allure dans un nuage de poussière. Trois rares lampadaires illuminent le croisement, les abords de la mosquée et la rue principale. “Arrête-toi, j’ai soif”. Il faisait déjà nuit quand nous passâment la porte de Tamrut, ce jour-là nous avions sacrifié à la découverte de deux ruines nos chich tawik et chich kebab quotidiens. Au moins une journée où nous ne roterions pas l’oignon. Un moustachu affable s’empressait déjà autour de nous, le gourbi faisait dans les 10 m2 et regorgeait de marchandises : du clou au Miko de base. Un Coca light et une eau gazeuse à la réglisse, le taulier nous invite dans son restaurant. Avec un grand sourire de franche sympathie pour ce bonhomme qui taffe depuis qu’il est réveillé, nous déclinons l’invitation. En sortant, nous lui adressons un dernier sourire toujours franc de sympathie émus par la bonhomie de cette scène pastorale qui nous renvoie direct 10 siècles auparavant. Là, se trouve rassemblée une grande partie, assise, des gars du patelin qui tchatchent et jouent au backgammon en sirotant du raki ou de la bière. Le poste de télévision posé sur une chaise distille des images de danseuses et des pubs. Je ressens comme tous les aventuriers le besoin impérieux de m’immiscer dans ce microcosme, boire un glass de raki en tirant sur une latte de tabac turque et échanger quelques sourires avec ces édentés qui transpirent l’oignon. Une pensée m’assaille : “mais, ces types ne connaissent même pas les 35 h, d’ailleurs ils ne doivent pas connaître le temps libre, et le mot loisir ? Remarque, lorsque tu leur demande de localiser le château dans la vallée d’à côté ils ne savent pas, signe de l’étendue de leur périmètre de survie”. Inconscients de leur bonheur, ces gars ont la vie belle : les femmes aux champs ou à la cuisine avec les mioches, ils partagent leur existence calme et nonchalante entre le bar salle de TV, quelques menus travaux agraires, le bricolage de leur maison, la sieste, la tchatche avec leur potes, sans rêver aux pays lointains où la vie est forcément meilleure. Derrière nous Tamrut est dans la nuit. R. C.
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