Krac de Moab Kerak 1998 Jordanie

Krac de Moab kerac Jordanie
Krac de Moab Kerak Jordanie

En ville les châteaux manquent généralement de perspective et de mystère, bien souvent mieux entretenus, ils ont également subi de profonds aménagements qui altèrent leur unité originelle. Pour achever le portrait ils supportent régulièrement une antenne radiophonique ou un relais de télécommunication avec quelquefois une guitoune en parpaings tagués. Finalement à Kerak, point de relais, de tags, mais des ajouts efficaces. Je me souviens de toute cette partie mamelouk dédiée à l’habitation, d’un assemblage régulier de patios, de hammams, avec leurs salles attenantes. Je me souviens aussi d’un dédalle de salles, de couloirs noirs, d’escaliers à palier où tu perds tout repère. Je devais dormir quand nous quittâmes le plateau désertique et monochrome pour l’approche soudainement chaotique de cette oasis. L’arrivée à Kerak est spectaculaire, la ville s’étire à l’horizon sur ses collines, seules ses habitations cubiques et le scintillement de vitres permettent de déceler que la crête est habitée. La route plonge dans un Wadi pour remonter immédiatement libérant le panorama sur la citadelle au bout de l’éperon. Le contraste est violent entre la maçonnerie sauvage de l’enceinte et l’encore plus superbe appareil du glacis qui resplendit de blancheur sous le soleil de midi. A cette heure, mon apathie s’explique parfaitement par une fringale, un choix cornélien s’installe, visiter avant ou après un repas frugal de mézzés et de chichtawik ou kebab dans cette ancienne cité caravanière ? Il vaut mieux visiter l’esprit libre et le ventre léger, sage décision car dans la Jordanie moderne ville étape n’est pas synonyme de gastronomie, loin s’en faut. Déjà fastidieuse la visite aurait été plombée et bien laborieuse, j’aurais enfin compris la lassitude et l’irréductible désintéressement des autres à l’évocation de ces témoins immobiles de notre glorieux passé… Vite, Kerak est fondé en 1143 par Payen le Bouteiller (échanson de Beaudouin), sur les fondements d’un site byzantin lui-même érigé sur les restes d’une construction Moabite. Halte pour les caravanes qui remontent d’Egypte, au XIIe la terre produit encore du blé et du raisin. Altitude, plus de 1200 m au-dessus de la mer Morte, à 16 km. Par beau temps, les coupoles de Jérusalem scintillent dans l’horizon qui frise au loin, très loin. 1184 le siège, un mois de pilonnage 24 h /24, les assiégés profitent d’une accalmie climatique pour faire un feu qui alerte Beaudoin IV à Jéru, ce dernier rapplique fissa, Saladin se sauve. 1187 bataille de Hattin, deux jours de lutte sous le soleil et dans le vent, assoiffée habilement par Saladin la chevalerie franque est défaite, tout le comté d’Outre Jourdain tombe, premier grand revers pour les Croisés en Orient. Isolées les places fortes choient, Kerak en 88, shawbak en 89. Outre sa jupe glacis nickel, l’enceinte et ses tours sont construites à la va vite, réemploi et recyclage à tous les étages. La citadelle se caractérise, aussi par deux dispositions qui valent une visite : le mur chemise cyclopéen du donjon et le fossé creusé à mains d’homme qui défend l’extrémité de l’éperon. A l’intérieur, tu peux organiser un jeu de cache-cache ou de piste, le grand nombre de pièces et de couloirs s’y prête parfaitement, attention toutefois de ne pas trop t’approcher du bord de la falaise.
A voir : la grande salle de 100 m sur 16 sous la terrasse, bien restaurée c’est un musée lapidaire, et la chapelle dernier vestige de l’ère byzantine. A se remémorer, l’histoire de Renaud de Châtillon qui, arrivé fraîchement émoulu du continent dans la croisade d’Aliénor d’Aquitaine, voulu jouer au petit chef, se crama les ailes, fit 16 ans de geôle, épousa Etiennette de Milly, veuve de Miles de Plancy  possesseur de Kerak, déterra la hache de guerre et finit sabré par Saladin après une dernière félonie. Sortir de Kerak, prendre plein sud sur la Kings Road vers Shawbak et Petra. R.C.

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